20 mars : FMI, cannabis, loi de réconciliation 2.0, les annonces de « BCE »
Pour sa désormais traditionnelle interview du 20 mars, fête de l’Indépendance, le président Béji Caïd Essebsi a cette année voulu marquer le coup par un entretien télévisé d’une heure, en terrain ami. Les questions inévitables ont bien été posées soulevant autant de sujets qui fâchent, mais posées par l’un des journalistes préférés du Palais de Carthage, Mourad Zeghidi, journaliste sportif ayant notamment animé la campagne d’Essebsi lors de la présidentielle de 2015.
Après une visite guidée des couloirs du Palais autour d’un thème cher à « BCE » (90 ans) contemporain de la période de l’indépendance, le ton plutôt complaisant est donné et l’on entre dans le vif du sujet : le régime politique. A la question de savoir s’il compte un jour amender la Constitution dans le sens d’une restauration du régime présidentiel, Essebsi laisse explicitement la porte ouverte : « Je me dois de veiller au respect de la Constitution. Mais les choses ne sont pas immuables, ce n’est pas le Coran ! Si un jour une majorité souhaite réformer le régime de gouvernance, alors oui c’est envisageable »…
Sur la légitimité ébranlée du Document de Carthage, Essebsi a minimisé l’impact des départs, en les résumant au seul départ du milliardaire Slim Riahi, refusant de reconnaitre que Mohsen Marzouk est depuis peu également dans l’opposition.
Dépendance au FMI : le déni présidentiel
En théorie, le sujet des finances publiques n’est pas du ressort de la présidence de la présidence de la République telles que ses prérogatives sont fixées par la nouvelle Constitution, mais plutôt du gouvernement. Pourtant, Béji Caïd Essebsi va s’aventurer pendant de longues minutes sur la question, se voulant rassurant : « les finances publiques se portent mal, concède-t-il. Mais nous n’avons gelé les salaires, le FMI ne nous a pas demandé cela, nous avons échelonnés les augmentations salariales sur les deux prochaines années », explique-t-il.
Toujours à propos de la crise économique, le président a renoué avec l’un de ses thèmes de prédilection : associer la révolution au chaos économique avec lequel il compte rompre. Défendant le FMI, il affirme que « la situation actuelle est le résultat d’un cumul, insiste-t-il. Le FMI nous a toujours soutenu, mais estime que les salaires du secteur public ont été revu à la hausse sans qu’il y ait d’augmentation équivalente dans la production », conclue-t-il, tout en niant l’éventualité selon laquelle l’Etat serait incapable de verser les salaires du secteur public à l’horizon mai / juin 2017.
Cannabis : un assouplissement attendu
Le Chef de l’État est par ailleurs revenu sur la loi 52, relative à l’allègement des sanctions pour les primo-consommateurs de cannabis : « Je suis contre la peine d’emprisonnement des jeunes primo-consommateurs », a-t-il déclaré, commentant la récente décision du Conseil de sécurité qu’il préside, et qui a décidé la semaine dernière d’accorder un pouvoir discrétionnaire aux juges dans ces affaires désormais.
Dernier thème, sans doute le plus attendu par les téléspectateurs : la nouvelle version amendée du projet de lui présidentiel de réconciliation économique : « le projet a provoqué une grande polémique, mais il représente la seule façon de favoriser les investissements locaux et étrangers », selon Essebsi, qui assure qu’il a cette fois pris en considération les réserves de la société civile.
Pourtant, le président dit toujours compter procéder à une amnistie pure et simple des anciens hauts fonctionnaires pré-révolution, au mépris du processus de justice transitionnelle en cours, précisant tout au plus qu’il compte modifier la composition de la nouvelle commission d’arbitrage, dont la Commission de Venise avait pointé la non indépendance.
Si le texte venait à passer au vote à l’Assemblée dans les prochaines semaines, il serait de facto un test risqué pour le pouvoir exécutif à mi-mandat présidentiel.
Seif Soudani