Marché du change : le dinar poursuit sa dévaluation brutale face à l’euro

 Marché du change : le dinar poursuit sa dévaluation brutale face à l’euro


Le dinar tunisien n’en finit plus dans sa descente aux enfers face à l’euro. A l’issue d’une semaine où la monnaie tunisienne perdait environ 10% de sa valeur, soit le quart de ce qu’elle avait perdu en 10 ans (45%), le marché du change se réveillait avec un euro à 2,73dt, voire 2,84dt en pratique dans les bureaux de change… Quel est l’impact de cette situation à court et moyen terme ? 



 


La victoire d’Emmanuel Macron au premier tour de l’élection présidentielle française, avec une avance confortable pour le second tour, est saluée aujourd’hui par les marchés européens, profitant à l’euro qui enfonce donc le clou face au dinar tunisien.


Selon une manager des ressources extérieures d’une grande banque tunisienne que nous avons sollicité à ce sujet, la respnsable affirme qu’à court terme « une pénurie de devises affecte déjà le pays au niveau des agences et des boxes de change. Car la devise coûte réellement très cher à la banque. Ce matin l'euro coûtait par exemple à ma banque 2,845dt pour le cours des opérations en compte, sur la base duquel se font les transactions interbancaires. Les banques ne vendent donc qu'en fonction des achats auprès des passagers (transactions en espèces) », d’où une certaine panique et une confusion entre les valeurs affichées par les convertisseurs en ligne, les panneaux électroniques, et le montant réel des échanges.


« Espérons que cela encourage les investisseurs du moins, ainsi que les résidents à l'étranger, à injecter de la liquidité », ajoute-t-elle fataliste.  


Après une première déclaration qui avait mis le feu aux poudres, la ministre des Finances Lamia Zribi a multiplié les apparitions médiatiques sans vraiment se rétracter de ses propos initiaux sur la nécessité d’indexer désormais le dinar sur les fondamentaux macroéconomiques du pays, une façon d’insinuer qu’indépendamment du souhait du FMI, la mesure était inéluctable.


En marge d’une visite à Sfax ce weekend, le chef du gouvernement Youssef Chahed a annoncé, que le gouvernement tunisien se prépare à mettre en place des restrictions aux importations, « dans l’objectif de réduire l’importation anarchique de certains produits ». Une manière d’encourager à consommer tunisien, mais à l’approche du mois saint du ramadan, difficile de mettre les Tunisiens devant le fait accompli, eux qui sont friands, voire dépendants, de certains produits d’importation.   


Sur Radio Sfax, Chahed a expliqué que le déficit de la balance commerciale ne cesse de se creuser à cause de la hausse de l’importation et la baisse considérable des exportations, annonçant la tenue en urgence d’un Conseil ministériel au cours des prochains jours pour examiner les moyens d’y faire face.


De la simple com’ ? Il y a lieu de le penser, lorsque certains analystes à l’image de Salah Ayari rappellent qu’« une dépréciation brutale, dans les conditions actuelles difficiles de l'économie du pays, aurait des conséquences redoutables. Un tel scénario causerait une augmentation de l’inflation déjà jugée trop importante et pour laquelle le FMI préconise une augmentation des taux d’intérêts afin de la maitriser. L’Egypte dont la monnaie a chuté violemment de plus de 30% en novembre dernier est en train d’endurer une inflation indomptable de plus de 20%. »


Cependant la dévaluation du dinar permettrait aux entreprises nationales d’être plus compétitives via davantage de consommation locale et entrainerait l’augmentation des IDE (Investissements directs étrangers), étant donné que les investissements reviendraient moins chers en euro.


Le FMI entretient le flou sémantique


En réponse à une question d’un confrère lors d’une conférence de presse vendredi, le directeur du département Moyen Orient, Afrique du Nord et Asie Centrale au sein du FMI, Jihad Azour, a nié à Washington l'existence d'une quelconque demande du Fonds pour que la Tunisie laisse flotter librement le dinar.


Néanmoins, il a ajouté que son institution a juste recommandé à la Tunisie une plus grande flexibilité de sa monnaie nationale pour faire face au déficit commercial et au déficit de la balance des paiements…


Pour Azour, « le déficit commercial record de la Tunisie indique la nécessité d'un ajustement. L'un des éléments de cet ajustement est une plus grande flexibilité du dinar surtout que les réserves de devises sont à un niveau confortable. »


Vous n’avez pas compris ? C’est normal, c’est fait pour ! Ironise la blogosphère sur cette façon de dire la chose et son contraire dans une même déclaration, seul l’aspect injonctif de la requête du FMI étant en réalité démenti par Jihad Azour.  


 


Seif Soudani