Tunisie. L’UGTT décrète la grève générale, mais pourra-t-elle l’appliquer ?

 Tunisie. L’UGTT décrète la grève générale, mais pourra-t-elle l’appliquer ?

Noureddine Tabboubi

L’Union générale tunisienne du travail, la Centrale syndicale, a approuvé contre toute attente en marge de son Conseil national à Monastir du 7 septembre, le principe de la grève générale dans le secteur public et la fonction publique. Quelle signification politique donner à ce coup de force surprise ?

Selon son organe de de presse « Echaâb News », la date de cette grève générale sera toutefois déterminée ultérieurement par le Comité administratif national de l’UGTT. La Centrale ouvrière a fait savoir qu’elle a pris cette décision afin de « réclamer le droit à la négociation, l’ouverture d’un dialogue social, le respect du droit syndical et l’application des accords signés avec les parties gouvernementales ».

Mais étant donné le timing de ce mini séisme du recours à l’arme de la grève générale, à quelques jours désormais de l’élection présidentielle, cette explication officielle paraît aussi courte que bien légère.


Enjeux avant tout internes

Présidé par le secrétaire général de l’UGTT, Noureddine Taboubi, le Conseil national a décidé de déléguer à la commission administrative nationale le pouvoir de fixer la date et les modalités de la grève générale. Mais même en ayant adopté cette posture en apparence conciliante, l’annonce a aussitôt provoqué un tollé au moment de lever la séance.

Car Tabboubi le sait, c’est aussi sa propre survie à l’intérieur de l’organisation qui se joue dans un avenir proche. Contesté en interne, en particulier par un clan moins contestataire à l’égard du président de la République Kais Saïed voire pro pouvoir, le numéro 1 de l’UGTT testera ainsi son autorité nécessaire à faire appliquer ladite grève via une discipline sans faille de ses troupes.

Au moment où une partie de l’opinion tunisienne et de l’opposition lui reprochent un certain silence complice, l’homme monte au front à un moment délicat politiquement, histoire de signifier qu’il ne craint plus d’aller jusqu’au bout dans le bras de fer qui l’oppose depuis de longs mois à Saïed.

Dans ces conditions, la décision d’adopter le principe de la grève générale apparaît davantage comme une monnaie d’échange pour revendiquer le droit de négocier et l’ouverture réelle du dialogue social avec le nouveau gouvernement de Kamel Maddouri, en vue de l’application par la contrainte d’anciens accords salariaux.

Or, la grève générale, en tant qu’outil de lutte légitime aux dimensions et répercussions profondes, nécessite des procédures légales et des préparations syndicales pour être menée efficacement. D’un point de vue juridique et procédural, il est improbable que la grève générale soit exécutée dans un avenir proche, estime-t-on y compris dans les rangs de l’UGTT.

 

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