Tunisie. Loi de finances 2022 : entre austérité et impopularité
La ministre des Finances, Sihem Boughdiri Nemsia, a déclaré lors d’une conférence de presse que la loi de finances 2022 comporte des mesures économiques « au profit de l’entreprise et de l’épargne », sans forcément convaincre de Tunisiens en majorité sceptiques quant à une sortie de crise économique du pays.
Promulguée par décret présidentiel, cette loi de finances ne sera pas discutée ni ne pourra être contestée par l’opposition, une première dans l’histoire du pays.
Parmi les mesures destinées aux PME, certaines portent sur le renforcement des fonds propres des entreprises, en leur facilitant l’obtention des financements par le biais d’un régime avantageux censé leur permettre la réévaluation de leurs biens fonciers. Seront ainsi exonérées de l‘impôt sur les sociétés la plus-value issue de l’opération de réévaluation et la plus-value générée par la cession des immobilisations réévaluées.
Les entreprises pourraient également bénéficier de la bonification du taux d’intérêt sur les crédits, via la prise en charge par l’Etat de la différence entre le taux d’intérêt des crédits et du taux d’intérêt moyen sur le marché monétaire (TMM), et ce dans la limite des crédits d’investissement accordés jusqu’à la fin décembre 2022, en sus de l’appui à l’auto-financement.
Il s’agira par ailleurs de permettre en 2022 aux entreprises ayant des dépenses de recherche et de développement relevant du ministère de l’Enseignement supérieur, d’une déduction de 50% des dépenses de recherche, outre la poursuite du soutien aux entreprises totalement exportatrices, en augmentant leur part de vente sur le marché local de 30% à 50% de leur chiffre d’affaires.
Prenant en compte les pertes causées ces deux dernières années par la pandémie, certaines mesures contenues dans la même loi portent sur l’abandon des pénalités de retard appliquées aux marchés publics conclus dans le domaine du bâtiment et des travaux publics et qui ont fait l’objet de la réception provisoire avant le 31 décembre 2021.
S’agissant de la mobilisation de l’épargne, il est prévu dans la LF 2022 d’augmenter enfin le plafond du montant exonéré d’impôts pour les comptes d’épargne privés de 3000 dinars à 6000 dinars et pour les emprunts obligataires de 5000 à 10.000 dinars.
Concernant les mesures d’incitation à l’économie verte et au développement durable, la ministre a fait savoir qu’elles concernent la réduction de 50% du droit de consommation appliqué sur les véhicules équipés d’un moteur hybride et électriques et l’abaissement des droits de douane, de 20% à 10%, pour les panneaux solaires, produisant de l’électricité. Or, les véhicules électriques représentent une partie infime du parc automobile en Tunisie. La taxe sur les produits polluants passe quant à elle de 5% à 7%.
La LF 2022 a aussi prévu des mesures encourageant le financement des entreprises opérant dans l’économie verte, en exonérant les intérêts des obligations vertes de l’impôt sur le revenu, à hauteur de 10.000 dinars par an.
Les contrebandiers appelés à régulariser leur situation
Plus polémiques, d’autres mesures relatives à l’appui à la numérisation, à la lutte contre l’évasion fiscale et la contrebande ont été annoncées. Il s’agira de la modernisation de l’administration et l’accélération de la création d’entreprise à distance, ainsi que l’encouragement du paiement électronique, en l’exonérant des agios et en augmentant de 1% à 5% les agios appliqués sur les paiements en numéraire, dont la valeur dépasse 3000 dinars au lieu de 5000 dinars.
S’agissant des mesures pour la mobilisation de ressources au profit de l’Etat, et l’intégration de l’économie parallèle, la ministre a relevé qu’elles ciblent l’intégration des opérateurs du circuit informel, en contrepartie d’un prélèvement libératoire de 10%.
Au chapitre des mesures les plus impopulaires, citons l’augmentation de 25% de la taxe de circulation (vignette), de l’enregistrement fixe, d’un nouveau timbre fiscal sur les tickets de vente en grande surface, et la rationalisation des importations.
L’ensemble de ces mesures repose sur le postulat du démarrage des négociations avec le FMI début 2022, ce qui n’est pas encore acquis, observent nombre d’économistes. En ce mois de décembre 2021, le versement des salaires de plusieurs secteurs de la fonction publique a accusé un retard inédit de plusieurs jours, ce qui indique en règle générale de graves problèmes de trésorerie.
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