Loi antiterroriste adoptée : vers une réactivation de la peine de mort
L’Assemblée des représentants a adopté vendredi soir, à la quasi unanimité, la nouvelle loi antiterroriste « 22/2015 », fermement critiquée par la société civile : 174 voix pour, 10 abstentions, 0 contre. 23 députés étaient absents. Un unanimisme préoccupant.
Ainsi donc, l’ARP a adopté tard dans la nuit de vendredi à samedi une nouvelle loi antiterroriste censée répondre à la multiplication des attaques djihadistes, un texte qui prévoit notamment le rétablissement de la peine de mort et vivement critiqué par la société civile qui y décèle de graves menaces contre les libertés.
Après trois jours de débats et des heures de pourparlers vendredi à huis clos pour trouver un consensus sur le texte, les députés ont approuvé cette loi sur «la lutte contre le terrorisme et le blanchiment d’argent» par 174 députés pour, 10 abstentions et aucun vote contre.
« Avec fierté, nous avons vécu ce moment historique […] cette loi va rassurer le citoyen », a déclaré le président de l’Assemblée, Mohamed Ennaceur, devant les élus qui venaient de chanter l’hymne national dans l’hémicycle.
Ce vote est intervenu dans un contexte de menace grandissante après les attaques en juin à Sousse (38 touristes tués) et en mars au musée du Bardo à Tunis (22 morts, dont 21 touristes), revendiquées par le groupe État islamique.
Ce texte remplace une loi antiterroriste de 2003, adoptée sous la dictature de Ben Ali et largement utilisée pour réprimer toute opposition, en particulier l’islam politique. Les ONG, qui espéraient que la nouvelle législation serait plus respectueuse de l’état de droit, ont exprimé leur déception.
Ainsi, la peine de mort, absente du texte de 2003, a été introduite pour une série de crimes « terroristes ». La peine capitale existait déjà dans le code pénal, mais la Tunisie observe un moratoire sur les exécutions non appliquées depuis 1991. En 2014, le bloc Ennahdha s'était opposé à l'abolition de la peine de mort dans la nouvelle Constitution.
Les ONG, dont Human Rights Watch, ont aussi dénoncé le délai de garde-à-vue fixé à 15 jours pendant lesquels le suspect ne peut consulter un avocat, ou encore le recours facilité aux écoutes téléphoniques.
« Cette loi représente un danger réel pour les droits et les libertés en Tunisie, de nombreuses entorses aux normes internationales des droits de l’Homme ont été incorporées dans ce texte et (elles) représentent un recul par rapport à la loi de 2003 », a regretté Amna Guellali, représentante de Human Rights Watch à Tunis.
« Ce projet de loi est un mauvais signal qu’on donne au monde libre qui nous regarde. On ne combat pas le terrorisme avec des réformes rétrogrades ! », a insisté de son côté le juriste Ghazi Mrabet.
Enfin l’opposition de gauche a jugé que le texte, et sa définition trop vague du « terrorisme », pourrait permettre d’y inclure des mouvements contestations sans lien avec des mouvements dits terroristes.
S.S avec AFP