Liste noire de l’UE: la Tunisie peut-elle en sortir en novembre?

 Liste noire de l’UE: la Tunisie peut-elle en sortir en novembre?

Youssef Chahed et Siegfried Bracke


« La Tunisie sortira en novembre prochain de la liste noire des pays tiers à haut risque de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme dressée par l’Union européenne », s'est avancé le chef du gouvernement Youssef Chahed, en visite au Luxembourg. Pourtant, rien n’est moins sûr… Explications.



 


Le chef du gouvernement Youssef Chahed clôturait hier soir jeudi une visite de travail de quatre jours, du 23 au 27 avril courant, aux pays du Benelux. Entamée symboliquement à Bruxelles, centre de décision européen, avant de passer par les Pays-Bas, son parcours avait tout d’une visite de lobbying.


 


Une visite cruciale en vue d'une réhabilitation


Car si le gouvernement Chahed reste aujourd’hui fragilisé, suspendu aux élections municipales du 6 mai dont dépendra grandement sur son sursis, c’est qu’il ne s’est pas remis du grave revers politique qu’a constitué le double black-listing de la Tunisie par l’UE.


Ainsi le pays est encore listé parmi les états « susceptibles d’être fortement exposés au blanchiment de capitaux et au financement du terrorisme », un mois après avoir été retiré de la liste noire de 17 pays considérés comme des paradis fiscaux opérant hors de leurs frontières. Or, depuis son arrivée aux responsabilités, Youssef Chahed avait précisément capitalisé sur son opération « main propres », faisant de la lutte contre la corruption son cheval de bataille dès mai 2017, en vain sur le plan international, ce qui a terni considérablement sa crédibilité.


 


Un point noir du mandat Chahed


« Nous avons reçu des promesses des pays européens qui soutiennent l’expérience de la transition démocratique en Tunisie notamment des pays du Benelux pour pousser vers le retrait la Tunisie de cette liste d’ici novembre prochain », a soutenu Chahed dans une déclaration à la TAP, à l’issue de son entretien avec le Grand-Duc Henri de Luxembourg.


« Nous avons montré à l’UE les réformes engagées par la Tunisie à la demande du Groupe d’action financière (GAFI) et les projets de loi extrêmement importants mis en place sur la lutte antiterroriste et le blanchiment des capitaux ». Nous sommes donc bien en présence d’un plaidoyer, voire d’un vœu pieux, d’autant que ces projets de lois, qui ont certes été soumis récemment à l’Assemblée, pourraient ne pas aboutir, faute de consensus au sein même de la majorité parlementaire.


Chahed a enfin insisté sur le fait que que la Tunisie ambitionne au cours des deux prochaines années 2018 – 2020 d’accéder à un statut « beaucoup plus important » avec l’Union européenne, dans la mesure où « elle partage avec les pays membres de l’union les mêmes valeurs universelles de démocratie, des libertés et de respect des droits humains ». Allusion probablement au statut de partenaire privilégié de l’UE auquel la Tunisie avait accédé dès 2012, mais qui n’avait donc pas empêché son blacklisting. « La demande de la Tunisie d’accéder à un nouveau statut avec l’union européenne a trouvé un écho favorable au sein en Europe », a-t-il assuré.


Reculer pour mieux sauter afin d’imaginer un partenariat qui ne serait plus focalisé autour de la seule donne économique ? Un pari peu orthodoxe pour un Youssef Chahed décidément prêt à tout pour rectifier le tir, à l’approche de l’échéance électorale de la présidentielle de 2019…


 


Seif Soudani