Lina Ben Mhenni : « Nous poursuivrons ton combat »
Plusieurs centaines de personnes ont convergé vers le cimetière du Djellaz, au sud de Tunis, pour un ultime adieu à Lina Ben Mhenni, qui a succombé à une longue maladie à l’âge de 36 ans. Compagnons de lutte, activistes, blogueurs, journalistes, militants et anonymes ont accompagné la dépouille au son des slogans révolutionnaires.
La blogueuse et activiste était devenue une des figures de la Révolution tunisienne, en relayant la contestation des régions marginalisées du pays dès les prémices du mouvement populaire qui allait emporter le régime de Zine El Abidine Ben Ali en janvier 2011. Malgré une santé fragile, elle avait continué à militer bien après la fin de la dictature, participant à tous les grands mouvements pour les droits humains, économiques et sociaux, et surtout contre l’impunité des anciens tortionnaires et responsables politiques corrompus. Lina avait même un temps été pressentie pour le prix Nobel de la paix en tant que figure du Printemps arabe.
Bravant l’interdit tacite en islam, les femmes étaient nombreuses à assister aux funérailles de l’une des icônes de la révolution ; certaines portant même le cercueil en scandant « Lina, repose-toi ; nous poursuivons ton combat ».
La longue procession entre la mosquée et la tombe s’est faite sous les applaudissements de la foule et les slogans révolutionnaires à peine entrecoupés par hymne national, qui avait déjà remplacé les traditionnelles incantations religieuses. Juste derrière le cercueil, son père Sadok Ben Mhenni accuse le coup. L’ancien prisonnier politique marche avec peine et en silence malgré les nombreuses marques d’affection.
Panthéon révolutionnaire
Fait rare, les oraisons funèbres ont également été prononcées par des femmes et ont salué « une âme libre et patriote ». Yosra Frawes, présidente de l’Association tunisienne des femmes démocrates a ainsi égrené les nombreux combats auxquels avait pris part la jeune militante et les slogans qui ont marqué la période révolutionnaire et postrévolutionnaire : « Travail, liberté et dignité », « je ne pardonne pas », « moi aussi, j’ai brûlé un commissariat », ou encore « nous n’oublions pas », en référence aux exactions de l’ancien régime que l’ancien président Béji Caid Essebsi avait été accusé de vouloir blanchir.
Dans l’audience, on compare déjà Lina avec les autres grandes figures tunisiennes récemment décédées, la faisant ainsi entrer dans une sorte de panthéon révolutionnaire : les leaders de la gauche Chokri Belaid et Mohamed Brahmi, assassinés en 2013, la journaliste et syndicaliste Nejiba Hamrouni, le poète engagé Sghaier Ouled Ahmed, la militante et femme politique Maya Jeribi ou encore le journaliste Sofiene Chourabi, disparu dans des circonstances mystérieuses en Libye depuis 2014.