Tunisie. Limogeage des ministres de la Culture et des Transports

 Tunisie. Limogeage des ministres de la Culture et des Transports

Hayet Ketat était en poste depuis 2 ans et 5 mois

Les ministres de la Culture et des Transports seront-ils remplacés avant 2025 ? On peut en douter, étant donnée la propension du président Kais Saïed à laisser vacants les postes des ministres et hauts fonctionnaires qu’il limoge à tour de bras. Un étrange phénomène du provisoire qui dure, sorte d’Etat intérimaire soumis aux humeurs du Calife et sombrant dans la paranoïa entourant le casting des remplaçants. 

C’était pour ainsi dire prévisible. Le président de la République Kais Saïed a décidé hier mardi en fin de journée de « mettre fin aux fonctions » des ministres du Transport Rabi Majidi et des Affaires culturelles, Hayet Ketat Guermazi. Dans un laconique communiqué, Carthage a indiqué que le chef de l’Etat a chargé la ministre de l’Equipement et de l’habitat Sarra Zaafrani Zenzri, de gérer le département du transport de manière provisoire. Le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Moncef Boukthir a été chargé de gérer, également par intérim, le ministère des Affaires culturelles.

 

Ministres boucs émissaires

De hauts cadres « virés » sans ménagement, de façon brutale, une fois de plus, sans égards pour leur dignité. Dans la foulée dudit communiqué, on découvrait sur la page officielle du Palais la raison qui a précipité l’évincement du ministre des Transports. Une énième visite inopinée, cette fois dans un dépôt de trains et de wagons de métros dans la banlieue sud de la capitale, où il a constaté l’état vétuste des équipements qui ont réduit la flotte des métros notamment à une quarantaine fonctionnelle, contre près de 180 initialement. « Nous attendons des pièces de rechange monsieur le président, l’achat de ces métros date de l’année 1985 », tente de se justifier un responsable, pointant le manque de liquidités dont souffrent les caisses de l’Etat, en vain.

Furieux dans cette séquence mise en scène par les caméras de la présidence, Saïed tente visiblement de prendre à témoin l’opinion, histoire de signifier qu’il s’active en cette année électorale, vraisemblablement alerté par les plaintes de citoyens dès les premiers jours du ramadan où ils ne parviennent plus à arriver à temps à leurs lieux de travail et leurs domiciles lorsqu’ils empruntent les transports en commun. Une fois de plus, le détenteur de tous les pouvoirs depuis bientôt 3 ans agit dans l’improvisation ponctuelle, sans vision ni prévention en l’occurrence de l’encombrement induit par le mois Saint sur les routes.

>> Lire aussi : Carthage : la fièvre des limogeages

La même logique somme toute populiste a semble-t-il scellé le sort de la ministre de la Culture. Dès le 21 février dernier, le président Saïed effectuait une visite tout aussi inopinée à la Médina de Tunis pour y constater l’état de délabrement du Patrimoine, un secteur faisant administrativement partie des attributions du département de la Culture. Mais la ministre de tutelle a sans doute par ailleurs fait les frais d’une accumulation de couacs à la tête d’un ministère réputé particulièrement difficile à gérer, entre les doléances des intermittents du spectacle au statut précaire, la montée des marches chaque année plus polémique des JCC (Festival international du cinéma), en passant par la Foire du livre de Tunis dont Kais Saïed a cette année « annulé l’annulation ». La Foire se tiendra donc bien en avril, malgré les mises en garde des experts et des sapeurs-pompiers sur l’intégrité du bâtiment l’accueillant au Kram.

Pour rappel, le président de la République avait nommé, le 24 janvier 2024, la nouvelle ministre de l’Economie et de la Planification, Fériel Ouerghi Sebeï et la ministre de l’Industrie, des Mines et de l’Énergie, Fatma Thabet Chiboub. Il a aussi désigné Lotfi Dhiab, ministre de l’Emploi et de la Formation professionnelle après près d’une année de vacance à ce poste crucial anciennement occupé par le porte-parole du gouvernement. Autant de chamboulements qui font de ces limogeages un remaniement gouvernemental qui ne dit pas son nom, étalé sur la durée.

Saied avait en effet procédé le 30 janvier 2023 à la nomination de Mohamed Ali Boughdiri, ministre de l’Éducation pour succéder à Fethi Slaouti, Abdel-Monêm Belaâti, ministre de l’Agriculture, des Ressources Hydrauliques et de la Pêche pour succéder à Mahmoud Elyes Hamza. « Des bouleversements incessants qui ont lieu à chaque fois sans que l’on prenne le temps d’expliquer aux Tunisiens les raisons de tel ou tel choix ou échec » fustige aujourd’hui une partie de la presse nationale.

De nombreux gouvernorats dont ceux de Tunis, Sfax et Kairouan restent à ce jour depuis des mois sans gouverneur, tout comme d’innombrables importantes ambassades demeurant sans ambassadeur.