Tunisie. L’illusoire course à la présidentielle est lancée

 Tunisie. L’illusoire course à la présidentielle est lancée

Palais de Carthage

Sans date officielle ni cadre légal défini avec certitude, la très théorique élection présidentielle prévue pour fin 2024 en Tunisie voit les prétendants s’additionner au fil des semaines, via des candidatures fantaisistes pour certaines, plus sérieuses pour d’autres, mais sans le moindre enjeu réaliste.

Dernière candidature en date, celle de Lotfi Mraihi (64 ans) qui s’est fendu le 2 avril d’un spot de précampagne techniquement soigné, à la teneur solennelle, intitulé « la Tunisie mérite mieux ».

 

Le secrétaire général de l’Union populaire républicaine (UPR) qui avait été crédité de 6,56% des votes au premier tour de la présidentielle de 2019 (soit 221.190 voix), alors classé 7ème sur 26 candidats, a annoncé qu’il se présente cette fois pour briguer la magistrature suprême après avoir pris acte de « la dégradation de la vie politique, économique et sociale, ainsi que le recul des droits et des libertés acquises lors de la révolution ».

Mhaihi a surtout décrété que le président de la République actuel, si l’actuel président Kais Saïed venait à se représenter pour un second mandat, il doit de facto « annuler les décrets et les lois qu’il a lui-même mis en place pour s’octroyer une immunité et une non redevabilité absolue », autant dire un vœu pieux.

Incrédules, des voix s’élèvent déjà pour s’interroger sur le bien-fondé de telles candidatures dans le climat délétère et répressif actuel :

 

Quelques jours auparavant, c’était au tour de Mondher Zenaidi (74 ans) de se porter candidat de manière plus subtile, en esquissant un programme dans une vidéo au contenu similaire :

 

Plusieurs fois ministre durant l’ère Ben Ali à des portefeuilles techniques notamment au Transport, au Commerce, et au Tourisme, cet ingénieur de formation, aujourd’hui exilé en France, n’avait récolté que 0,74 % des suffrages lors de la présidentielle de 2014.

Il brigue le même électorat nostalgique du bénalisme qu’une autre candidate déclarée, Abir Moussi (49 ans), emprisonnée par l’actuel régime depuis le 5 octobre 2023.

Outre ces trois candidatures, celle de l’ancienne PDG éphémère de Tunisair (limogée après 1 mois et demi seulement de sa nomination en janvier 2021) Olfa Hamdi (39 ans), est souvent considérée comme la plus folklorique. Originaire de Gafsa, cette adepte d’un libéralisme économique radical est qualifiée par ses détracteurs de candidate de la droite populiste.

 

Harcèlement judiciaire

Mais la plupart de ces candidats se trouvent déjà sous le coup de procédures judiciaires, lorsqu’ils ne sont pas déjà en prison.

Ainsi la chambre correctionnelle du Tribunal de première instance de Tunis avait Lotfi Mraihi, à six mois de prison avec sursis en janvier dernier pour « propagation de fausses informations touchant à la sûreté de l’État ». Ce dernier avait simplement affirmé que « Kaïs Saïed a échoué, que sa cote de popularité a régressé et qu’il patauge ». Une opinion donc considérée désormais comme une fausse information. Il est en outre cité dans une autre affaire relevant du pénal.

Les chefs d’accusation se multiplient également contre Abir Moussi mais aussi de Mondher Zenaidi : son avocat a confirmé début mars dernier que son client avait été déféré devant la chambre d’accusation du tribunal de première instance de Tunis, sur fond de soupçons de corruption financière. Une saisine qui concerne une affaire remontant à l’année 2011 en relation avec la Commission nationale d’investigation sur les faits de corruption et de malversation, et liée à la vente d’Ennakl Automobiles, représentant de Volkswagen en Tunisie.

Le 13 janvier dernier, des documents fuités ont par ailleurs circulé sur les réseaux sociaux en rapport avec l’ouverture d’une information judiciaire contre des hommes politiques, des hommes d’affaires et des personnalités médiatiques suspectés de blanchiment d’argent, incluant le nom d’Olfa Hamdi. L’intéressée a cependant démenti avoir été mise au courant de ces poursuites.

Abstraction faite de ce climat non démocratique de la judiciarisation de la vie politique du pays, plusieurs sondages d’opinion révèlent une popularité quasi intacte du président Kais Saïed, malgré un bilan socio-économique calamiteux.

 

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