Tunisie. Libération sous caution de Noureddine Boutar

 Tunisie. Libération sous caution de Noureddine Boutar

Selon la défense, les comptes bancaires de Noureddine Boutar et de son épouse ont été investigués sans que la justice n’y trouve de fraudes

La chambre d’appel relevant du Pôle judiciaire économique et financier s’est prononcé le 24 mai en faveur de la remise en liberté de Noureddine Boutar, journaliste et PDG de la radio privée Mosaïque FM, première radio du pays en termes d’audience, mais sous caution financière. 

Son incarcération avait suscité un tollé au sein de la société civile tunisienne et jusque l’international récemment où le Parlement européen l’a nommément mentionné pour fustiger les atteintes croissantes à la liberté de la presse en Tunisie où une vingtaine de journalistes font face depuis peu à divers procès souvent intentés par le Parquet.

Rappelons que Boutar avait été interpellé dans la soirée du 13 février 2023 par une brigade policière après une descente musclée et une perquisition de son domicile, dans un premier temps sans révéler à sa famille le motif de son arrestation. Son maintien en liberté est aujourd’hui assorti d’une condition suspensive : celle de payer une importante caution financière d’1 million de dinars tunisiens (environ 300 mille euros).

 

Suspicion de blanchiment ou motif davantage politique ?

Selon une déclaration de l’avocat Ayoub Ghedamsi, le juge d’instruction près du pôle judiciaire économique et financier saisi du dossier avait émis dès le 21 février dernier un mandat de dépôt contre Boutar. Le juriste estime que le motif du blanchiment d’argent invoqué contre son client n’était qu’un « subterfuge » pour dissimuler le véritable et principal grief porté contre Boutar : « l’utilisation de la ligne éditoriale d’un média pour viser les symboles de l’Etat et nourrir les tensions dans le pays », tel que formulé par le texte de l’inculpation.

Faisant suite à cette arrestation, diverses structures syndicales dont le SNJT, des associations et ONG se sont solidarisées avec le directeur de la radio via une vaste campagne de mobilisation en vue d’exiger sa libération. Toutes dénoncent un dangereux précédent d’ingérence dans la ligne éditoriale d’un média.

Le 22 mai courant, deux autres journalistes de la même radio, Elyes Gharbi et Haythem El Mekki, ont comparu devant la brigade criminelle de la police judiciaire d’El Gorjani, afin d’être auditionnés dans le cadre d’une plainte déposée par un syndicat de la police, à propos du contenu journalistique de l’émission Midi Show du 15 mai 2023.

Le chroniqueur satirique Haythem Mekki y avait critiqué les modalités et les standards de recrutement « défaillants » dans les rangs de la Garde nationale au lendemain de l’attaque meurtrière de Djerba perpétrée par un élément de la Garde.

La même émission phare de la chaîne avait été explicitement citée publiquement en novembre 2022 par le président de la République Kais Saïed en marge du Sommet de la francophonie de Djerba, qui s’était ouvertement agacé des propos « tenus quotidiennement » par ses chroniqueurs.