Tunisie. L’ex gendre de Ben Ali, Sakhr El Materi, écope de neuf ans de prison
Près de quatorze ans après les évènements de la révolution de 2011, la chambre pénale spécialisée dans les affaires de corruption financière au Tribunal de première instance de Tunis a condamné par contumace Mohamed Fahd Sakhr El Materi, gendre du défunt président, à une peine de neuf ans de prison avec exécution immédiate, ainsi qu’à une amende d’environ quatre-vingts millions de dinars.
La même chambre pénale a par ailleurs décidé de l’irrecevabilité de l’action en justice, au sein de la même affaire, à l’encontre de l’ex-président Ben Ali en raison de son décès. Le dossier de l’affaire concerne l’obtention par Mohamed Fahd Sakhr El Materi de divers prêts bancaires sans garanties, au mépris des procédures légales en vigueur. Selon la justice, El Materi aurait en effet « tiré parti de ses relations privilégiées » afin d’accéder à des prêts bancaires colossaux, qu’il aurait ainsi obtenus sans respecter les exigences légales.
Une sentence largement symbolique
Malgré le temps long de la justice tunisienne et une condamnation à portée symbolique, ce verdict reflète la volonté des autorités, à défaut de réussite du processus de justice transitionnelle, de lutter contre l’impunité des figures du régime bénaliste. S’agissant néanmoins de la faisabilité de l’exécution d’une telle peine de prison ferme, le prononcé de la sentence en l’absence de l’accusé ne peut que soulever des interrogations sur la très faible possibilité de son arrestation.
En fuite à l’étranger, vraisemblablement aux Seychelles où il a été vu à maintes reprises depuis 2011, il était devenu « le gendre favori », l’une des figures les plus emblématiques du système de clientélisme et de corruption du passé. Sa fuite entrave le processus de rétablissement de la justice en la matière.
Né le 2 décembre 1981 à Tunis, Sakhr El Materi est un homme d’affaires et député. En 2004, après ses études, il épouse Nesrine Ben Ali, la fille aînée de Zine el-Abidine Ben Ali, alors président de la République, et de Leïla Ben Ali.
El Materi est précisément à partir de 2004 à la tête d’un vaste groupe, dénommé Princesse Holding, présent dans les pans les plus lucratifs de l’économie tunisienne : le commerce automobile, l’immobilier, le tourisme de croisière, les finances, les médias, les télécommunications et l’agriculture. La constitution de ce groupe et la fortune personnelle de son patron, dont l’origine remonte à la privatisation de la Banque du Sud en 2005, sont aujourd’hui fortement controversées.
À partir de 2007, il oriente les acquisitions de son groupe sur les médias et le nouveau créneau alors naissant en Tunisie de la finance islamique. Il aurait alors ambitionné, jusqu’à la révolution tunisienne de 2011, de prendre la succession de son beau-père à la tête de l’État.
À partir de l’automne 2010 et la publication des notes diplomatiques américaines par le site WikiLeaks, il est, à l’image de l’ensemble de la famille Ben Ali – Trabelsi qualifiée de « clan quasi-mafieux », impliqué dans plusieurs affaires d’escroquerie et de détournement de fonds publics. Le gouvernement des Seychelles lui accorde l’asile politique en 2011. Par la suite, lui et son épouse déposent discrètement un dossier auprès de l’Instance Vérité et dignité, dans le cadre du processus de réconciliation nationale, il a également exprimé sa volonté de retourner en Tunisie après l’étude de son dossier, sans que cette requête ne soit réellement prise au sérieux.
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