Levée du dispositif de sécurité devant l’ambassade de France

 Levée du dispositif de sécurité devant l’ambassade de France

Les blindés étaient devenus partie intégrante du paysage du centre-ville


Les fils barbelés ainsi que les imposantes unités militaires postées tout au long de ces sept dernières années devant l’ambassade de France à Tunis viennent d’être évacuées de l’Avenue Habib Bourguiba. Les autorités arguent que « la situation sécuritaire en Tunisie s’est nettement améliorée ». Quid de la pertinence du timing ?




Tout un symbole pour les tunisois


Face à des riverains et piétons incrédules, les abords de l’ambassade de France à Tunis ont retrouvé le 17 septembre 2018 leur physionomie d’avant révolution, suite à la levée surprise des fils barbelés mais aussi des blindés qui occupaient un espace considérable dans ce périmètre, à l’embouchure de la rue Jamel Abdennasser connue pour la verdure de ses arbres, contraignant les passants à contourner l’endroit.


Installé au lendemain de la proclamation de l’état d’urgence lors des évènements de la révolution de janvier 2011 aux abords de tous les sites gouvernementaux et diplomatiques dits sensibles, le dispositif fut pour rappel considérablement renforcé en marge de l’attaque jihadiste de l’ambassade américaine en septembre 2012, aux Berges du Lac de Tunis. Une attaque d’une ampleur inédite qui avait fait plusieurs morts et attisé les craintes sur la capacité de la Tunisie à garantir la sécurité des représentations diplomatiques occidentales.



Un hashtag « #sayyeb_elassima ! » (« #Délivrez la capitale ! ») avait été créé quelques jours auparavant 


 


L’état d’urgence toujours en vigueur  


Deux éléments expliquent l’étonnement des tunisois quant à cette levée du quadrillage sécuritaire de l’ambassade de France, dont le caractère jugé « précoce » attise les théories du complot sur les réseaux sociaux.


Le fait d’abord que lors de la dernière réunion en date du Conseil de Sécurité national, le président de la République Béji Caid Essebsi avait annoncé la prolongation de l’état d’urgence pour une période de sept mois, à compter du 12 mars dernier, ce qui veut dire que l’état d’urgence est techniquement encore en place, pour encore plus de trois semaines au minimum.


Il y a ensuite le fait que le 15 septembre, soit 3 jours à peine avant la levée du dispositif, la campagne souverainiste « Winou el pétrole » (« Où est le pétrole ? ») avait repris de plus belle, levant notamment des slogans hostiles à la France qualifiée de « pays colonisateur » et accusée de maintenir une mainmise sur une partie des ressources pétrolières du pays que la campagne voudrait nationaliser. A la fin du sit-in, le drapeau français a même été brûlé par les manifestants, devant le théâtre municipal, à quelques seulement mètres de l’ambassade de France.


Tout cela n’a visiblement pas dissuadé le ministère de la Défense et celui de l’Intérieur d’appliquer leur calendrier de retrait jusque-là tenu secret.    




Insolite paradoxe géographique et sémantique, l’ambassade de France est située au 1 Place de l’Indépendance. A l’architecture portant les influences de l’urbanisme de l’époque du préfet parisien Haussmann au 19ème siècle à l’époque de Napoléon III, le bâtiment abritait avant l’indépendance le consulat de France puis la résidence générale. Datant de 1861, et construit à l’initiative du consul Léon Roches en 1859, il s’ouvrent sur le carrefour entre l’Avenue Habib-Bourguiba et l’avenue de France, face à la cathédrale Saint-Vincent-de-Paul, toujours active. Le consulat général se trouve aujourd’hui dans les mêmes locaux, tandis que l’ambassadeur réside à la résidence de France, à la Marsa plage, banlieue nord de Tunis.


 


Seif Soudani