Levée de l’immunité de Najem Gharsalli, une délicate jurisprudence

 Levée de l’immunité de Najem Gharsalli, une délicate jurisprudence

Najem Gharsalli au Palais du gouvernement


Le Conseil de l’Ordre judiciaire a décidé la levée de l’immunité du magistrat Mohamed Najem Gharsalli, ancien ministre de l’Intérieur et ancien ambassadeur de Tunisie au Maroc. L'ex diplomate était en exercice au moment de sa convocation par la justice dans le cadre de l’affaire Jarraya fin 2017. Prise le 2 janvier 2018, la décision censée permettre le bon déroulement de l’enquête revêt un caractère sans précédent du point de vue de sa symbolique.


La demande de levée de l’immunité de Mohamed Najem Gharsalli avait été transmise dès novembre dernier par la justice militaire en charge du dossier de trafic d’armes, a précisé le porte-parole du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) Imed Khaskhoussi, une institution qui a tergiversé ces dernières semaines avant d’accepter la mesure d’exception que constitue cette levée de l’immunité, contre toute attente des observateurs.


 


Aucune impunité


Pour rappel, Gharsalli avait été démis de son poste d'ambassadeur de Tunisie au Maroc, fin octobre dernier, sans que les motifs de cette décision ne soient donnés, mettant dans l’embarras le ministère des Affaires étrangères tunisien qui a dû reconnaître avoir rappelé l’ambassadeur dans le cadre d’une enquête à l’époque en qualité de témoin dans ce qui devenait déjà une affaire d’Etat.


L’homme avait été nommé à ce poste en février 2016, un mois après avoir quitté le gouvernement de Habib Essid suite à un remaniement ministériel. C’est précisément durant son mandat de ministre de l’Intérieur que des faits lui seraient reprochés, notamment l’accueil par un haut fonctionnaire de son ministère de l’homme d’affaires Chafik Jarraya actuellement incarcéré dans le cadre de la guerre gouvernementale contre la corruption.


L’officier en question, l’ancien directeur général des services spécialisés (renseignement), Imed Achour, se trouve également en prison, inculpé dans la même affaire aux ramifications complexes.


Le comité de défense de ce dernier, composé de quelques ténors du barreau tunisien dont le leader d’opposition Mohamed Abbou, affirme qu’Achour, « a agi de bonne foi » et n’avait pas estimé nécessaire d’informer sa hiérarchie de cette rencontre avec Jarraya qui serait alors « venu apporter des informations sensibles » issues de ses allers et retours en Libye.  


Quelle que soit l’issue de l’instruction, les pressions de la Kasbah, puis la levée « temporaire » de l’immunité du juge Gharsalli par le CSM témoignent d'une bonne santé démocratique du pays, mais surtout d’une volonté politique claire tant du parquet que du chef du gouvernement d’aller jusqu’au bout de cette affaire phare de la « guerre contre la corruption », quel qu’en soit le prix politique.   


 


Seif Soudani