Tunisie. Les partisans du président Kais Saïed lui manifestent leur soutien

 Tunisie. Les partisans du président Kais Saïed lui manifestent leur soutien

Environ trois mille Tunisiens se sont rassemblés dimanche à Tunis pour exprimer leur plébiscite au président de la République Kais Saïed, soit à peu de choses près autant que la manifestation du 26 septembre dernier dite « anti coup d’Etat » à laquelle il s’agissait pour eux de répondre par un test grandeur nature dans la rue.  

Au regard de la popularité du président, en forte hausse après qu’ils se soit accaparé l’ensemble des pouvoirs le 25 juillet, oscillant entre 70% et 90% d’avis favorables dans les récents sondages d’opinion, nous sommes loin de la marée humaine annoncée en ce 3 octobre. L’enthousiasme de la rue tunisienne serait-il retombé ?

Au-delà des querelles stériles autour des chiffres, une chose est sûre : Saïed a durant ces deux derniers mois perdu la sympathie inconditionnelle de deux catégories de personnes : ceux qui, dans le camp démocrate, l’avaient encouragé à ce coup de force qu’ils pensaient suivi d’un bien plus vaste coup de filet anti-corruption, et ceux qui, dans le camp nostalgique de la dictature, s’attendaient à une éradication des islamistes et leurs dérivés par des moyens encore plus abruptes.

Pour ces deux camps, surtout le premier d’entre eux, le chef de l’Etat a depuis dévié vers des aspirations strictement personnelles et un chantier constitutionnel, même si pour d’autres observateurs l’appétit pour le pouvoir sans corps intermédiaires était clair dès la campagne de 2019, simplement accéléré par l’opportunité du 25 juillet.

Le rôle clé des syndicats de police

Les sympathisants spontanés du président Kais Saïed ne sont pas les seuls à avoir « manifesté » hier. On trouve en effet derrière cette mobilisation « pro pouvoir » l’appui logistique décomplexé de l’un des plus grands syndicats de police du pays, qui a lui-même déposé une demande auprès de ses pairs au ministère de l’Intérieur pour la tenue du rassemblement Avenue Habib Bourguiba.

Si d’autres syndicats des forces de l’ordre ont exprimé le 1er octobre leur désapprobation de ce qu’ils qualifient de politisation rampante des corps des forces armées, un certain consensus semble de mise au sein des sécuritaires qui ont accueilli et facilité les mesures présidentielles, en sus du rôle plus visible de l’armée qui a installé ses blindés devant le Parlement et le Palais du gouvernement. L’armée a d’ailleurs été remplacée dans ces positions mercredi dernier par des forces spéciales du ministère de l’Intérieur.

L’intervention houleuse à l’aéroport Tunis – Carthage le 16 mars dernier de députés de la Coalition al-Karama en faveur d’une voyageuse empêchée de quitter le territoire étant fichée S, fut pour ces influents syndicats l’affaire de trop. Un incident en vertu duquel ils œuvraient activement à obtenir la tête du gouvernement et la consolidation d’un régime centralisé, au nom d’un retour à l’ordre.

 

Des chancelleries européennes toujours circonspectes

Ce recoupement d’intérêts entre un projet présidentiel justicialiste et de puissants syndicats de police qui ont profité de la révolution de 2011 pour réorganiser l’héritage de l’Etat policier de feu Ben Ali, fait craindre à une partie de la société civile un virage d’une synergie autoritaire sans précédent dans le pays.

La nomination le 29 septembre d’une cheffe de gouvernement, dont le son de la voix reste inconnu aux Tunisiens depuis que lui a été confiée la rude tâche de former une équipe gouvernementale, ne semble pas avoir rassuré les partenaires européens de la Tunisie. Ainsi mercredi Angela Merkel a explicitement demandé au président Saïed « un retour à la démocratie parlementaire », tandis qu’Emmanuel Macron a dit samedi « se tenir aux côtés du peuple tunisien » tout en requérant « la mise en place d’un dialogue, associant les différentes composantes de la population tunisienne, sur les réformes institutionnelles envisagées ».