Tunisie. Les habitants de Mezzouna en quête de reddition des comptes

 Tunisie. Les habitants de Mezzouna en quête de reddition des comptes

Au lendemain du drame qui a coûté la vie à trois élèves, le 14 avril, des suites de l’effondrement du mur de clôture d’un lycée secondaire, la colère ne faiblit pas. La petite ville de Mezzouna devient le symbole des régions défavorisées et laissées pour compte en Tunisie.  

 

Soudés, les riverains ont accompagné dès lundi l’un des élèves victimes de l’effondrement tragique du mur d’un lycée local, lors de funérailles émouvantes au cimetière de Sidi Abdallah. La catastrophe a profondément bouleversé la communauté locale, provoquant une vague de colère et d’indignation. Des émeutiers ont bloqué plusieurs axes routiers en allumant des pneus et en érigeant des barricades à l’entrée de la ville, exprimant ainsi leur douleur et leur ras-le-bol face à l’état délabré des infrastructures scolaires.

En signe de deuil et de protestation, la Fédération générale de l’enseignement secondaire a appelé à la suspension des cours, mardi 15 avril 2025, dans tous les collèges et lycées du pays.

« Au lieu de venir à notre chevet, l’Etat nous a envoyé des renforts de forces de l’ordre et des gaz lacrymogène ! », a déploré un manifestant, tandis que l’opposition s’est étonnée de la formulation du communiqué présidentiel qui « ne contient aucun mot de condoléances » et préfère expliquer qu’un séisme de février dernier aurait fragilisé le mur en question, à défaut de se déplacer sur place.

D’autres dénoncent l’arrestation du directeur de l’établissement alors même que ce dernier avait adressé une correspondance datée du 17 janvier 2022 aux autorités éducatives pour requérir une intervention urgente au vu de l’état du mur.

 

Ouverture d’une enquête judiciaire

Par ailleurs, le porte-parole du tribunal de première instance de Sidi Bouzid, Jaouhar Gabsi, a annoncé l’ouverture d’une enquête judiciaire pour homicide involontaire liée au décès des trois élèves à Mezzouna. Gabsi a indiqué que l’enquête a pour but « d’identifier les responsables de ce drame ». Ils seront accusés d’homicide involontaire et d’avoir provoqué involontairement des lésions corporelles à autrui, commises ou causées par maladresse, imprudence, négligence, inattention ou inobservation des règlements.

Le porte-parole a expliqué que l’enquête porte actuellement sur des délits pouvant conduire à des condamnations de deux ans de prison, mais qu’elle pourrait inclure par la suite des accusations pour des crimes pouvant donner lieu à des condamnations d’au moins cinq ans de prison. Selon lui, l’instruction permettra d’identifier les responsables et les faits qui leur sont respectivement reprochés.

 

Un blackout médiatique autour du drame

Le Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) a quant à lui vivement dénoncé, dans un communiqué publié ce mardi 15 avril 2025, la politique de rétention d’information observée par plusieurs institutions publiques à la suite du drame survenu à l’institut secondaire de Mezzouna, à l’image de l’impossibilité rencontrée pour le Journal de 20h de la TV publique de communiquer avec des responsables régionaux ou encore au ministère de l’Education nationale.

Le SNJT a aussi pointé du doigt les entraves injustifiées rencontrées par les journalistes sur le terrain, notamment au sein de l’hôpital local, où l’accès à l’information a été bloqué par des personnes sans qualité administrative, tandis que le directeur de l’établissement a refusé de s’exprimer sans autorisation préalable par crainte de représailles administratives.

Les représentants régionaux des ministères de la Santé et de l’Éducation ont également brillé par leur silence. Le syndicat déplore une mauvaise gestion de crise et l’absence d’une stratégie de communication claire, facteurs qui ont favorisé la propagation de rumeurs et alimenté la tension dans la région. Il appelle ainsi le gouvernement à abroger les circulaires n°4 et n°19, jugées contraires au droit constitutionnel à l’information, et exhorte les ministères concernés à adopter les principes fondamentaux de la communication de crise.