Les familles tunisiennes consacrent 37,5% de leur budget à la santé

 Les familles tunisiennes consacrent 37,5% de leur budget à la santé


Sur fond de pénurie persistante des médicaments dans le pays, les familles tunisiennes allouent en moyenne 37,5% de leurs dépenses à la santé. Un taux qui ne devrait pas dépasser 20% selon les normes internationales, d'après les résultats d'une étude réalisé par l'institut national du travail et des études sociales de Tunis (INTES).



 


Expert en économie de la santé, l'universitaire chargé de ces questions à l'INTES Chokri Arfa a affirmé lors d'une conférence organisée aujourd’hui jeudi à Tunis autour du thème des inégalités sociales en Tunisie, que 8% des familles tunisiennes ont dépensé des sommes excessives pour couvrir leurs besoins de santé, ce qui a résulté en leur appauvrissement. En d’autres termes, près d’une famille tunisienne sur 10 s’est retrouvée en dessous du seuil de pauvreté après s'être endettée ou vendu ses biens pour pouvoir se soigner.


 


Déficit structurel et situation alarmante


Le conférencier a par conséquent appelé à la nécessité de mettre en place un système de santé public équitable et global offrant des prestations de qualité à tous les citoyens à travers l'ensemble des régions du pays. Réputée pour un système de santé relativement performant qui lui valait des centaines de milliers séjours de soins de ressortissants d’autres pays de la région chaque année jusqu’à un passé récent, la Tunisie a de l’avis des spécialistes et des patients connu une dégradation rapide dans ce secteur, qui tend à s’élitiser via la multiplication des cliniques privées au détriment des hôpitaux.   


Mi-janvier, le ministre de la Santé Abderaouf Cherif, en poste depuis seulement deux mois, s’était publiquement engagé à « régler à 95% le problème de la pénurie de médicaments avant fin février prochain », répondant ainsi à des questions des députés à propos de la corruption dans le secteur pharmaceutique, au moment où deux prêts ont été accordés à la pharmacie centrale afin de régler son déficit budgétaire.


Incrédules, les Tunisiens ont déjà cependant entendu la même promesse six mois auparavant de la bouche du prédécesseur de Cherif, et comme nous avons pu le vérifier dans plusieurs pharmacies, aucune entame de retour à la normale n’est constatée. Pis : des médicaments d’importation, tant vitaux que de confort, sont à nouveau en rupture de stock, alors qu’ils ont été brièvement disponibles lors du début de reconstitution des stocks amorcée il y a environ 3 mois.


Paradoxalement, nous avions aussi pu constater que malgré l’inflation, le prix des médicaments de nouveau disponibles, qu’ils soient génériques ou non, était inférieur aux prix pratiqués par le passé. Un différentiel qui s’explique selon des sources proches du dossier par une correction opérée par les contrôles sanitaires après qu’elles aient pu neutraliser la spéculation qui sévissait sur ce marché.   


Pendant ce temps, la contrebande de médicaments prospère, comme au Kef, à Sfax ou encore dans la capitale, où les services de la douane saisissent régulièrement soit des stocks périmés, soit des médicaments en partance pour les pays voisins dont la Libye.


Si les autorités qui se veulent rassurantes affirment que la Pharmacie centrale dispose actuellement d’un stock stratégique qui couvre les 4 prochains mois, le recours de certaines familles au marché noir constitue un cercle vicieux qui explique en partie que plus d’un tiers des Tunisiens se ruine en soignant des maladies chroniques, étant prêts à débourser des sommes déraisonnables mais aussi à force de vouloir stocker des médicaments à la faveur d’un réflexe survivaliste.