Les enjeux de la rencontre Kais Saïed – Fayez Sarraj

 Les enjeux de la rencontre Kais Saïed – Fayez Sarraj


Officiellement, ce sont « les relations économiques et politiques bilatérales et les questions humanitaires » qui étaient à l’ordre du jour de l’entretien le 10 décembre, au Palais de Carthage, entre le président de la République Kais Saïed et le chef du Gouvernement d’entente national en Libye, Fayez Sarraj, en visite officielle en Tunisie. Mais dans les coulisses de cette première rencontre internationale d’envergure pour le nouveau pouvoir tunisien, la guerre civile libyenne et le rôle du voisin tunisien dans sa résolution étaient dans tous les esprits. 


Selon Carthage, les deux parties ont discuté « les questions de coopération économique, les moyens de lever les différents obstacles à la circulation des personnes et des marchandises entre la Tunisie et la Libye par voie maritime et terrestre, et d’éviter notamment la fermeture récurrente du point de passage de Ras Jedir » aux stratégiques frontières au sud-est de la Tunisie.


Prédominance des questions d’urgence humanitaire


L’entretien aurait également abordé les questions humanitaires en suspens, les deux parties soulignant la nécessité de trouver une solution pour les enfants tunisiens encore actuellement détenus en Libye, et « redoubler d’efforts » pour découvrir la vérité sur la disparition de l’employé de l’ambassade de Tunisie à Tripoli Walid Ksikssi depuis le 13 octobre 2014.


La question des Libyens empêchés d’entrer sur le sol tunisien a également été abordée, les deux parties convenant de charger le ministère de l’Intérieur d’examiner leurs dossiers.


Lors de cette rencontre, les parents de nos confrères journalistes Sofiane Chourabi et Nadhir Ktari, disparus en Libye depuis septembre 2014, ont par ailleurs été reçus par le président de la République et le chef du gouvernement libyen, qui ont réitéré leur souci de connaître le sort des deux journalistes.


Sur le plan politique, l’entretien a abordé la nécessité de trouver une solution à la situation en Libye « dans le cadre de la légitimité internationale », une solution qui « découlerait de la volonté des Libyens eux-mêmes ». Saïed a ainsi réaffirmé la nécessité de trouver un « règlement politique global qui serve les intérêts du peuple libyen », soulignant que la question libyenne est aussi une affaire tunisienne.


 


Proximité avec le pouvoir de Tripoli ?


Le communiqué présidentiel a rappelé à cet égard la position du chef de l’Etat tunisien exprimée lors de la réception du ministre allemand des Affaires étrangères, Heiko Maas, le 28 octobre dernier, en pointe dans les négociations entre belligérants libyens : « les Libyens devraient être la partie principale dans toutes les négociations concernant la question libyenne ».


Outre ce souverainisme affiché caractéristique de la doctrine Kais Saïed en matière de relations internationales et qu’on lui connaissait depuis la campagne présidentielle plus tôt cette année, le nouveau président tunisien s’est entouré dans son cabinet d’experts de la question libyenne, à l’image de l’ancien diplomate Tarek Betaïeb.


Au moment où, militairement, le camp du maréchal Haftar enregistre davantage de succès depuis le déclenchement de l’assaut sur la capitale libyenne, le choix de recevoir Fayez Sarraj en cette période de vulnérabilité du camp de la légalité onusienne peut être interprété comme un signal fort envoyé par la présidence tunisienne de son hostilité à la logique de la force en passe de l’emporter en Libye.