Les émeutes nocturnes s’installent dans la durée
Pour la troisième nuit consécutive, ce sont désormais six régions qui ont été secouées par des affrontements, dans la nuit de mercredi à jeudi 27 décembre, entre des manifestants et des forces de l’ordre.
Les régions les plus touchées par ces manifestations dorénavant rituelles à la tombée de la nuit sont Thala (Kasserine), Oued Borji, Fouchana (Ben Arous), Bouderies et Kairouan-sud… Le colonel Houcem Jebabli a déclaré que les brigades d’intervention s’en tiennent pour le moment à l’usage massif de bombes lacrymogène pour disperser les protestataires, souvent jeunes.
Mais selon le même officier, « ces protestations nocturnes sont préméditées », tout en précisant que « des chefs contrebandiers sont impliqués dans ces troubles ».
Orthodoxie du traitement de la crise par les autorités
Une fois de plus, c’est donc cette même ligne de la conspiration qui prévaut parmi les autorités, relayée par certains médias nationaux pour qui « cinq individus ont été arrêtés alors qu’ils distribuaient de l’argent et des cartes téléphoniques aux manifestants à Foussana, dans le gouvernorat de Kasserine ».
Ainsi le ministre de l’Intérieur lui-même, Hichem Fourati, dit « comprendre le droit des citoyens à la protestation pacifique et au rassemblement tant que ce droit est exercé dans le respect de la loi et non durant la nuit », mais selon lui « les forces de l’ordre ont saisi un véhicule de location à Foussana, toujours dans le gouvernorat de Kasserine, utilisé pour la distribution de sommes d’argent et de cartes de recharge téléphonique à dessein d’agiter les manifestants ».
Quand bien même cela se vérifiait, l’argument du complot intérieur ne semble plus prendre auprès de l’opinion publique en Tunisie, qui tend à le tourner en dérision, notamment dans les réseaux sociaux, ce type d’explication visant systématiquement à discréditer tout mouvement social depuis 2011.
Dans une déclaration aux médias hier soir mercredi, en marge d’une cérémonie de signature d’un accord entre le département et l’Instance Nationale de Lutte Contre la Corruption, Fourati a par ailleurs tenté de minimiser l’ampleur des protestations en cours, en faisant valoir le fait que, d’après lui, ces derniers seraient « de faible envergure », ajoutant que des casseurs ont ciblé des biens publics et privés et détruit les caméras de surveillance relevant du ministère de l’Intérieur.
Un type de vandalisme visant les symboles de l’autorité de l’Etat qui n’est pas sans rappeler le saccage concomitant des radars et des caméras de surveillance en France en marge du mouvement des Gilets jaunes.
Aujourd’hui jeudi, le ministère de l’Intérieur a enfin mis en garde contre « les fausses informations qui circulent sur la Toile au sujet de mouvements de balayant tout le territoire », dénonçant le recours, il est vrai parfois mensonger, de certains sites d’infos à d’anciennes photos et séquences vidéo non datées.
Une jeune homme de 18 ans a en outre été arrêté suite à la propagation d’une autre énième théorie du complot selon laquelle notre confrère journaliste Abderrazek Zorgui, qui s’était immolé lundi, ne s’est pas suicidé mais aurait été brûlé à son insu par le jeune suspect. L’enquête n’a pour l’instant abouti à aucun aveu de la part de l’intéressé, malgré les rumeurs allant dans ce sens.
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