Les chiffres insolites des élections législatives
L’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE) a organisé hier soir lundi une conférence de presse pour annoncer le taux d’avancement du dépouillement du scrutin des législatives qui avoisine désormais les 100%. Tranches d’âge, répartition du vote selon les sexes, ou encore par région, certains chiffres sont particulièrement étonnants. Décryptage.
Premier fait marquant, les régions les plus marginalisées économiquement sont celles où l’on vote le moins : le plus faible taux de participation a ainsi été enregistré à Kasserine avec 28,33%. Un chiffre à comparer avec celui de la circonscription de Ben Arous, au sud de la capitale, qui a enregistré le plus fort taux avec 50,42%.
Malgré l’important nombre de 18 sièges destinés aux députés représentant les Tunisiens de l’étranger, seuls 16,4% des TRE ont voté lors de ces élections. Un taux « catastrophique », pour les membres de l’ISIE.
Très forte abstention des jeunes
Dimanche dernier, l’électeur tunisien type était un homme plutôt âgé, qui a en moyenne plus de 45 ans. C’est en effet la statistique la plus marquante du 6 octobre, si l’on tient compte de la dérisoire proportion des jeunes ayant voté. Ainsi seuls 9% des électeurs ont entre 18 – 25 ans. Une abstention préoccupante, qui confine au boycott.
S’agissant de la tranche des 26 – 45 ans, le taux de participation ne monte qu’à 33% (à comparer à la moyenne nationale des 43,1%). Mais surtout, chez les séniors, ce sont les 45 ans et plus qui ont voté à hauteur de 57%, bien au-delà donc que la moyenne nationale.
A titre de comparaison, en France, où le taux de participation global était équivalent aux législatives de 2017 (mais pour un régime présidentiel) à 42% selon l’Insee, le troisième âge est aussi le roi du vote, avec un taux de 54% pour les 70 – 79 ans, tandis que les 18 – 24 ans français votent en revanche à 19,4%, soit deux fois plus que les jeunes tunisiens.
Selon un stéréotype confirmé par les sociologues, un vote important des séniors est généralement un indicateur d’un vote plus conservateur. C’est tout du moins le cas en Tunisie où la gauche vient quasiment de disparaître, en lutte pour conserver un seul siège (Mongi Rahoui), acquis grâce aux plus forts restes.
Un tiers seulement des tunisiennes ont voté
On découvre aussi que parmi les votants, 64% étaient des hommes, contre seulement 36% pour les femmes, selon L’ISIE. Un taux qui contraste notamment avec le million de femmes qui avaient voté pour Béji Caïd Essebsi à la présidentielle de 2014.
Malgré la parité respectée par toutes les listes candidates, la très grande majorité des têtes de liste sont des hommes en 2019 comme en 2014, année où seuls 49 des 217 sièges revenaient à des femmes, soit 24 %. Une proportion qui recule encore aujourd’hui où selon des calculs basés sur les premières estimations, les femmes n’occuperaient plus que 10% de la nouvelle Assemblée.
Autre chiffre marquant, le nouveau Parlement aura une forte coloration légaliste, puisque pas moins de 70 avocats y font leur entrée, consolidant la tradition de la forte politisation des juristes en Tunisie.
Les sièges les plus chèrement payés
Au chapitre des plus grands perdants enfin, citons l’association « 3ich Tounsi », qui s’est reconvertie dans la politique à grands coups de centres d’appels et de millions de dinars en deux ans (certains parlent de 51 millions de dt investis, soit près de 17 millions d’euros).
Selon les premières estimations, le décompte donne la formation hybride à entre 3 et 5 sièges. Pour Samy Ghorbal, l’association d’Olfa Terres, épouse du milliardaire français Guillaume Rambourg, aurait pour ce faire dépensé 15 millions de dinars et a récolté environ 75.000 voix, soit 200 dinars par voix.
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