Tunisie. Législatives: la participation officielle monte à 11,2%, les appels à la démission se multiplient
Lors d’un point presse lundi soir, l’Instance indépendante pour les élections (ISIE) a revu à la hausse le taux de participation aux législatives anticipées du 17 décembre : il passe de 8,8% en guise de résultat préliminaire, à 11,22%. Une donnée qui fait polémique.
Sceptique au sujet de cette « remontada » jugée statistiquement peu crédible, l’opposition qui a boycotté ces élections s’étonne qu’en l’espace de 48 heures, l’ISIE annonce de facto près de 27,6% de marge d’erreur et porte le nombre votants de 803 mille à plus d’1 million 23 mille électeurs. L’autorité électorale est en effet accusée d’avoir voulu dépasser à tout prix la barrière symbolique du million d’électeurs.
Quoi qu’il en soit, le record historique établi par le pays ne change pas pour autant : ce scrutin demeure devant Haïti et l’Afghanistan en termes de plus faible participation de l’histoire récente.
L’étrange conception présidentielle du décompte
En guise de première réaction à ce désaveu indirect à son projet de refonte institutionnelle, le président de la République Kais Saïed a estimé que « certains n’ont rien trouvé d’autre à commenter que le taux de participation en ce premier tour pour mettre en doute la représentativité du prochain Parlement », ajoutant que : « le taux de participation ne se mesure pas au premier tour, mais aux deux tours ».
Hilares, de nombreux internautes n’ont pas manqué de railler cette étonnante logique qualifiée de « Kadhafiste », et rétorquent que l’on devrait dans ce cas additionner l’abstention aux deux tours qui avoisinerait alors les 180%.
La page officielle de la présidence de la République renchérit : « Cette position équivaut à la proclamation des résultats d’un match sportif à la fin de la première mi-temps ». Outre ce souci de la métaphore filée footballistique, la même source présidentielle se fend d’une attaque ad hominem des détracteurs dudit scrutin, en rappelant que certains auteurs de ces critiques « sont poursuivis par la justice dans des affaires de corruption ».
Annulation des résultats dans plusieurs circonscriptions
LISIE a par ailleurs décidé de procéder à l’annulation, totale ou partielle, des résultats obtenus par des dizaines de candidats. La décision intervient suite aux infractions électorales enregistrées qui, selon le Conseil de l’ISIE, impacteraient les résultats de cette échéance électorale.
Le vice-président de l’Instance, Maher Jedidi, a reconnu que le processus des législatives a été marqué par des infractions commises pendant la campagne, le silence électoral et le jour du scrutin, ajoutant que les décisions des instances régionales concernant ces infractions, ont été examinées dimanche soir par le Conseil de l’ISIE qui a par conséquent invalidé les résultats dans 7 circonscriptions.
21 candidats élus dès le 1er tour
Selon les résultats définitifs des élections législatives, seuls 21 candidats ont d’ores et déjà été élus députés du Parlement dès le premier tour, tandis que le deuxième tour aura lieu dans 133 circonscriptions électorales, a fait savoir Mohamed Tlili Mansri, porte-parole de l’ISIE. Il a précisé, dans ce sens, que parmi les 21 candidats élus, 19 ont disputé les législatives dans des circonscriptions qui avaient enregistré seulement une ou deux candidatures.
Mansri a également souligné que les candidats peuvent, à partir du mardi 20 décembre, déposer leur recours contre les résultats du premier tour des législatives devant le Tribunal administratif, sachant que la campagne électorale du deuxième démarre le 20 janvier 2023.
Si la proclamation des résultats des deux tours de ces législatives aura lieu le 3 mars 2023, de nombreuses voix s’élèvent pour demander au président Saïed de « mettre fin à cette mascarade et convoquer sans plus tarder une élection présidentielle anticipée ».
Parmi elles, l’opposant Fadhel Abdelkafi (droite libérale), Abir Moussi (bourguibisme), le Watad (extrême gauche) qui met en garde contre la mise en place d’un Parlement sans prérogatives ni légitimité populaire, mais aussi le collectif citoyen Soumoud, anciennement soutien du processus dit du 25 juillet 2021, qui se joint désormais aux appels à la démission du chef de l’Etat.