Le sort de l’ISIE sera connu lundi
Le président de l’Instance Supérieure Indépendante pour les Elections Chafik Sarsar a posé aujourd’hui vendredi certaines conditions pour le retrait de sa démission annoncée trois jours plus tôt ainsi que celles de son vice-président Mourad Ben Moula et de la magistrat Lamia Zargouni, membre de l’instance. Cependant la crédibilité de l’ISIE étant déjà durablement affectée, le mal semble déjà fait.
Chafik Sarsar avait déclaré à la presse mercredi soir, au terme d’une audition devant la Commission parlementaire du règlement intérieur consécutive à la triple démission, qu’il poursuivra sa mission en attendant de « trancher définitivement ce problème ».
« La raison principale de la démission n’a rien à voir avec les questions de majorité ou de minorité au sein de l’instance, ou le soutien par le président de l’ISIE de personnes qu’il avait recommandé de recruter, ou encore avec le récent rapport de la cour des comptes sur l’action de l’instance », a-t-il écarté d’emblée.
Sarsar insiste : « le litige au sein de l’ISIE ne porte pas seulement sur la gestion, mais touche aussi le fondement des valeurs démocratiques ».
Une triviale affaire de « likes » sur Facebook
« Les membres de l’instance font l’objet depuis un moment de grandes pressions dont l’ouverture d’une enquête sur un des membres de l’ISIE pour un commentaire sur le réseau social Facebook », suivi de la demande de révocation jugée humiliante de 8 des meilleurs cadres de l’Instance », a-t-il précisé.
Le membre en question avait « liké » un statut formulant une critique à l’égard d’un autre membre venu en remplacement à l’issue de l’alternance biannuelle, un membre suspecté de liens avec l’ancien régime et de mauvaise gestion. Les directeurs incriminés avaient signé une pétition pour réhabiliter le directeur exécutif de l’ISIE, qui avait préféré démissionner plutôt que d’ouvrir une enquête sur cette affaire.
Le président de l’ISIE a qualifié lors de son audition la décision de démission de « douloureuse » mais aussi de « sonnette d’alarme » devant les menaces sérieuses pesant sur l’intégrité de l’action de l’ISIE, sa transparence et sur l’avenir du processus de transition démocratique tout entier.
L’homme est allé jusqu’à qualifier de « pratiques policières » au sein de l’Instance après le piratage des e-mails de ses membres et cadres et des prises de décisions « dans des conseils parallèles ».
Il a fait remarquer qu’un groupe de cinq membres (trois nouveaux et deux anciens dont Nabil Baffoun, ce qui en fait un groupe majoritaire) « ont exercé des pressions pour paralyser l’action administrative de l’instance en demandant la résiliation du détachement de membres de l’instance afin de la vider de ses compétences à quelques mois des élections municipales ».
« Il existe des candidats pour remplacer ses cadres dont 10 ont présenté mardi leur démission ou demandé la fin de leur détachement, suite à mon speech de démission », a-t-il ajouté. Allusion à un plan déjà prêt, mais qui mettra de toute façon plusieurs semaines voire mois à être appliqué, ce qui compromet la date des prochaines élections municipales prévues dans 7 mois.
« Dire que nous avons quitté le navire est faux et nous n’avons pas déserté l’instance après la démission mais nous avons poursuivi notre travail ces derniers jours », a fait remarquer Sarsar.
Les députés membres de la commission du règlement intérieurs, tout en saluant le rôle de l’instance, primée à l’international, dans la réussite des échéances électorales qu’elle a chapeautées jusqu’ici, ont été divisés entre ceux qui demandent aux trois démissionnaires de revenir sur leur décision et ceux qui se prononcent pour l’acceptation des démissions après la secousse qui a ébranlé l’instance.
D’autres députés ont estimé que les problèmes de gestion évoqués par les trois démissionnaires pour justifier leur décision « ne sont pas convaincantes », rendant la démission disproportionnée.
D’autres députés ont estimé que « ces raisons sont profondes et dangereuses et justifient une telle décision après que la confiance ait été ébranlée au sein de l’instance », ce qui va se répercuter négativement à leurs yeux sur son action et sur l’issue des prochaines échéances électorales.
Ce vendredi sur Mosaïque FM, Chafik Sarsar est même entré dans les épineuses polémiques consistant à juger les réactions de divers partis face à sa démission. Le mal est fait donc, et le pays mettra sans doute plusieurs années pour pallier le déficit de crédibilité de cette boussole jusqu’ici immaculée de ma transition démocratique tunisienne.
S.S