Tunisie. Le SNJT agite la menace d’une grève générale
Le Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) a menacé le 14 mars d’observer dans les prochains jours une grève générale dans le but de « mettre fin à la dérive éditoriale dans le secteur des médias », notamment la TV nationale.
Malgré des signes annonciateurs d’un retour au registre du plébiscite du pouvoir dans la ligne éditoriale de la télévision étatique, le SNJT s’était juste ici contenté de protestations ponctuelles, croyant encore à l’auto régulation. Mais signe qu’il prend désormais la chose au sérieux, l’heure est à l’escalade.
Lors d’une conférence de presse tenue au siège du SNJT à Tunis, la vice-présidente du principal syndicat des journalistes du pays, Amira Mohamed, a vivement critiqué « les tentatives de la chargée de gestion de la télévision tunisienne de détourner la ligne éditoriale de l’établissement, de museler le droit syndical, de dissuader les journalistes et les photojournalistes et d’exclure délibérément les voix s’opposant à sa politique interne ».
Une régression à l’ère pre-2010
Amira Mohamed ajoute que « la télévision et les médias tunisiens sont en proie à une grave crise existentielle, en plus de la fragilité de l’emploi des journalistes et de la poursuite des nominations aléatoires et provisoires dans les médias publics tels que celles à la tête de la Radio nationale ».
La menace de faire grève intervient après que des dizaines de travailleurs de la télévision d’Etat aient manifesté vendredi dernier, dénonçant « une dérive éditoriale propagandiste et l’imposition de l’agenda du président de la République Kais Saïed » sur cet établissement public.
Mi-février 2022, le président Saïed avait pour rappel démis de ses fonctions Chokri Cheniti de ses fonctions de PDG de la Radio nationale, un média qui avait préservé une certaine indépendance de ton depuis la prise de pouvoir de juillet 2021, mais sans nommer de successeur ni révéler les motifs de cette décision.
Avant cela, toujours au nom des dispositions d’exception, le même président Saïed avait décidé dès le 28 juillet 2021 de limoger le PDG de la télévision nationale, Mohamed Lassaâd Dehech, et de charger la journaliste Awatef Daly de la gestion provisoire de l’institution, une responsable aujourd’hui contestée, mais qui dispose par ailleurs de certains soutiens dans le secteur. Une liste noire d’invités politiques aurait été élaborée depuis.
« Nous avons présenté de nombreuses propositions de réforme au gouvernement tunisien, mais nos demandes sont restées lettre morte à ce jour. Le gouvernement tunisien n’a mis en œuvre aucune de ses promesses s’agissant des secteurs public et privé. Cela contribue à noyer le secteur dans les problèmes pour mieux le contrôler. Nous ne permettrons à aucun parti de porter atteinte à la liberté des médias », a-t-elle conclu.
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