Le projet de loi de réconciliation change de nom : subterfuge ou amendement substantiel ?
La coalition du quartet au pouvoir a décidé, consécutivement à sa réunion du 15 septembre 2015, de changer le libellé du projet de loi de réconciliation économique par « Loi sur la réconciliation et le développement des régions défavorisées ». Simple manœuvre sémantique, selon les nombreux détracteurs du projet de loi.
Radios nationales, grands quotidiens… l’ex conseiller du président Mohsen Marzouk, secrétaire général de Nidaa Tounes, n’a pas ménagé ses efforts mardi pour sauver « sa » loi. « Sauver la face », commentent ses critiques.
L’homme assure qu’il a été convenu d’« étendre le dialogue jusqu’à l’ensemble des blocs parlementaires », dans le but affiché de parvenir à une deuxième formulation de la loi de réconciliation, pour ne pas employer le terme de « refonte ».
En guise de réponse à ceux qui demandent avec de plus en plus d’insistance à la présidence de la République de revoir sa copie, via un retrait pur et simple de la loi, Marzouk prétexte un imbroglio technique : le projet de loi est « déjà dans le pipeline » de l’Assemblée des représentants, et ne saurait par conséquent repasser par la case réexamen par le gouvernement, sauf en cas de rejet en commission parlementaire, ce qui reste peu probable.
Des aménagements cosmétiques ?
Sur le fond, Mohsen Marzouk a par ailleurs expliqué que le nom du projet devra être modifié pour y inclure « l’idée de paix sociale et de développement des régions défavorisées », afin de « mettre en valeur sa finalité et son contenu réel », celui de « l’intransigeance avec ceux qui ont pillé les caisses de l’Etat », à en croire Marzouk.
De son côté, le Front Populaire, principale force politique d’opposition au projet de loi, aux côtés des forces de la société civile, a d’ores et déjà préparé sa propre copie de projet de loi sur la réconciliation économique et financière : pas moins de 40 articles, entérinant notamment le principe de la réconciliation, selon l’élu Ahmed Seddik, président du bloc Front Populaire à l’ARP.
Problème, si ce projet parallèle aspire à remplacer celui présenté par la présidence de la République, il menacerait tout autant la loi 53 de décembre 2013 relative à la mise en place de la justice transitionnelle. Une loi en vigueur, en vertu de laquelle l’Instance Vérité & Dignité exécute déjà sa mission.
Quant à l’argument temps / délais, il est d’autant moins valable que selon la rapporteuse de la commission législation générale à l’ARP, tout projet de loi de réconciliation ne pourrait être discuté en plénière que fin octobre au plus tôt, l’Assemblée ayant actuellement d’autres priorités dont la loi relative à la création d’une Cour constitutionnelle.
Seif Soudani