Tunisie. Le président Saïed met fin à une absence de 12 jours

 Tunisie. Le président Saïed met fin à une absence de 12 jours

Le ministre des Affaires étrangères, de la Migration et des Tunisiens à l’étranger, Nabil Ammar, reçu lundi par Kais Saïed, a dans la foulée reçu l’ambassadeur de Russie en Tunisie, Aleksander Zolotov

Apparu le 3 avril visiblement amoindri, affaibli par ce qu’il a présenté comme « un coup de froid », le président de la République Kais Saïed n’a pas vraiment rassuré l’opinion nationale et internationale sur son état de santé qui continue d’alimenter toutes sortes de spéculations.

 

La dernière activité présidentielle remontait au 22 mars dernier, Mosquée de la Zitouna à Tunis. Comparé à ses 17 activités et apparitions lors des 10 premiers jours du ramadan l’an dernier en 2022, la disparition de Saïed cette année avait de quoi légitimement créer un climat anxiogène dans un pays en pleine tourmente économique et politique. Cette léthargie soudaine était d’autant plus énigmatique que le président tunisien a choisi depuis son investiture un mode de communication dit de la campagne permanente et sans corps intermédiaire médiatique.

 

Références historiques et vacance du pouvoir

Assourdissant, ce silence du Palais a donc naturellement ouvert la voie aux rumeurs les plus folles, mais toutes ne sont pas infondées. Certaines sont même confirmées implicitement par le chef de l’Etat lui-même dans son simulacre de dialogue avec sa Première ministre. Ainsi pour minimiser la portée de cette absence prolongée, Kais Saïed a notamment évoqué l’absence de Bourguiba durant plus de 6 mois à la fin des années 60, ou encore le fait qu’il ait signé une loi de finances depuis l’ambassade de Tunisie à Paris dans les années 80. Indirectement, cela tend à conforter l’information non vérifiée mais reprise avec insistance notamment par les milieux islamistes selon laquelle Kais Saïed se serait fait brièvement soigner à l’étranger, en France ou en Allemagne.

« Ils ne m’inspirent que le dégoût et le mépris, on a parlé ce matin de certificat de décès, ils citent des chiffres et des analyses médicales dont je ne suis même pas au courant moi-même… Des gens que je pensais un minimum responsables (…) la vacance est en réalité dans leurs têtes, ils ne pensent qu’au pouvoir (…) on ne peut leur répondre que par le mépris, mais menacer la paix civile sera puni et poursuivi dans les tribunaux » a-t-il invectivé.

Quoi qu’il en soit, le temps semble bien lointain où le président Saïed fraîchement investi en 2020, informait minutieusement les Tunisiens des détails d’une mauvaise angine qui le forçait à un repos de quatre jours. Ses prérogatives en vertu de l’ancienne Constitution de 2014 étant clairement délimitées, il tenait alors compte des autres contre-pouvoirs, dont un Parlement autrefois puissant, qui pouvait sévir le cas échéant.

Devenu régime, de surcroît miné par la paranoïa des complots, l’actuel pouvoir autoritaire, concentré aux mains d’un seul homme, peut-il être autre chose qu’opaque et sans égards désormais pour des institutions et des Tunisiens à qui il ne doit au fond plus aucun compte ?

L’épisode sert toutefois de piqûre de rappel quant à une préoccupante faille constitutionnelle : en vertu de l’actuel texte de 2022, le président de la Cour constitutionnelle est censé assurer l’intérim. Or, cette cour attend toujours d’être créée. Seul autre scénario, le président de la République peut déléguer par décret ses pouvoirs au Premier ministre, cependant aucune alternative n’a prévu que le président se trouve dans l’incapacité de signer ledit décret.