Tunisie. Le président Saïed limoge 57 magistrats

 Tunisie. Le président Saïed limoge 57 magistrats

Accusant lors d’un conseil des ministres mercredi soir des magistrats d’entrave à la justice et de corruption, entre autres abus, le président de la République Kais Saïed a lui-même limogé dans la même soirée près d’une soixantaine de magistrats.

La décision dite d’assainissement du secteur de la magistrature a été officialisée peu avant minuit par un décret présidentiel paru dans la foulée dans le Journal officiel, en date du 1er juin 2022, portant révocation de 57 magistrats.

En font partie notamment le président du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) déjà dissout par le président Saïed en février dernier, Youssef Bouzakher, l’ancien procureur de la République, Béchir Akremi, l’ancien premier président de la Cour de cassation, Taieb Rached mais aussi l’ancien substitut du procureur de la République et ancien porte-parole du Pôle judiciaire de lutte contre le terrorisme, Sofiene Sliti.

Le décret précise que cette décision est irrévocable, sauf en cas de l’obtention d’un jugement définitif auprès de la justice pénale.

Commentant ce que certains ont qualifié de purge ou encore de séisme et de tsunami judiciaire, l’ancienne juge et ex candidate à la présidentielle, Kalthoum Kannou, a déclaré : « Si j’étais restée dans le corps des magistrats, je serais sans doute dans la liste des juges limogés. Je peux vous assurer que certains de ces confrères ont été évincés simplement pour avoir critiqué le président de la République, et non parce qu’ils ont reçu des pots de vin ou sont corrompus. Que dieu protège notre pays ! ».

 

Une liste hétéroclite et politisée

Hétérogène, la liste comporte certains noms autour desquels pèsent de sérieuses suspicions de corruption, à l’image de la jeune magistrate Ikram Mokdad arrêtée en 2021 lorsqu’elle transportait la coquette somme de 500 mille euros en liquide dans son véhicule. Toutefois, d’autres figures sont persuadées d’avoir été radiées pour avoir émis des avis critiques du coup de force présidentiel du 25 juillet, ou encore pour leur proximité présumée avec l’islam politique, objet par conséquent d’un « règlement de comptes ».

En 2012, au plus fort de la domination politique du parti Ennahdha au lendemain de la révolution, l’ancien ministre de la Justice Noureddine Bhiri avait tenté de limoger 82 magistrats suspectés de proximité avec l’ancien régime de Ben Ali. La plupart d’entre eux avaient fini par être réintégrés, cinq seulement ayant été traduits à l’époque devant un conseil de discipline.

Le président Saïed a également annoncé le soir du 1er juin l’amendement de la loi électorale « pour préparer le terrain au référendum du 25 juillet 2022 portant sur la nouvelle constitution pour une nouvelle République ». Plusieurs dispositions d’articles de l’ancien code électoral de 2014 y sont abrogées, tandis que d’autres articles y sont ajoutés « de façon fort opportune » selon l’opposition, de sorte de rendre plus flexibles les registres des électeurs, à moins de deux mois d’un rendez-vous électoral.