Tunisie. Le président Saïed annonce une feuille de route référendaire
Alors que l’on s’attendait à des annonces d’importance le 17 décembre prochain, le président de la République Kais Saïed a pris de court l’ensemble de la classe politique hier soir par un discours à la nation annoncé 15 minutes avant l’heure.
Dans cette quarantaine de minutes d’allocution fleuve dont trente furent consacrées à toutes sortes de règlements de compte allusifs, prenant pour cible spécialement d’anciens alliés ayant retiré depuis l’été dernier leur soutien, le chef de l’Etat autoproclamé législateur a annoncé un calendrier y compris électoral, tout en maintenant le gel du Parlement pour au moins une année supplémentaire.
Un temps long qui a aussitôt provoqué un tollé chez une opposition coalisée plus que jamais déterminée à contester ce processus qu’elle estime illégitime, dans la rue, surtout eu égard à la crise économique que traverse le pays et qui ne saurait endurer un tel luxe constituant. Plusieurs figures historiques de l’opposition ont tenu une conférence ce matin mardi pour promouvoir une « troisième voie » dite du « sauvetage ».
Jugé par ailleurs « clément » envers les islamistes, le discours présidentiel a eu pour effet de s’aliéner également ses soutiens les plus éradicateurs qui jugent de leur côté que le président a manqué une opportunité d’aller plus loin encore dans son projet autocratique. « Et la montagne accoucha d’une souris », ont-ils commenté, tandis que d’autres ont qualifié de « folie » l’embarcation du pays pour « une année blanche » de débats constitutionnels.
Une feuille de route affectionnant les dates symboliques
Visiblement soucieux de marquer l’Histoire, voire de la réécrire comme il en a exprimé lui-même l’intention, le chef de l’Etat a choisi pour son calendrier des 12 prochains mois des étapes clés calquées sur le calendrier des fêtes nationales.
Il prévoit ainsi l’organisation d’un référendum le 25 juillet 2022, la prolongation du gel du Parlement jusqu’aux prochaines élections législatives annoncées pour le 17 décembre 2022, ainsi qu’un projet de loi de réconciliation pénale particulièrement optimiste avec les personnes impliquées dans des délits économiques et financiers. Qualifié d’utopiste par ses détracteurs, ce projet prévoit que les hommes d’affaires les plus fortunés accusés de corruption investissent de façon proportionnelle dans les régions les plus sinistrées.
Mais avant cela, Saïed compte lancer à partir du 1er janvier 2022 une consultation électronique sur internet censée recueillir les réponses des Tunisiens s’agissant de questions aussi complexes qu’un amendement du code électoral et le changement de régime de gouvernance vers un régime présidentialiste. Une consultation qui se poursuivra au niveau des délégations du pays à partir du 20 mars 2022.
Outre le fait que le Palais de Carthage sera juge et parti en supervisant ce processus et que la Constitution de 2014 se trouve de facto abrogée, ces annonces abolissent a priori par la même occasion l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE) dont le président ne dit mot sur le rôle durant la phase à venir.
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