Tunisie. Le président Saïed annonce la date de la prochaine élection présidentielle
L’annonce tardive de la convocation des électeurs au scrutin présidentiel s’était mue en arlésienne, mais c’est chose faite depuis mardi soir 2 juillet. A trois mois de l’échéance, soit le délai minimum légal en vertu de la Constitution de 2022, le chef de l’Etat Kais Saïed a enfin rompu le silence. « Un non évènement » pour une large partie de l’opposition qui considère que l’enjeu y est inexistant.
L’élection présidentielle sera ainsi organisée le 6 octobre 2024 a décrété un bref communiqué du Palais. Au pouvoir depuis octobre 2019, Kais Saïed verra son mandat de cinq ans s’achever à l’automne. A 66 ans, il s’était octroyé les pleins pouvoirs le 25 juillet 2021, faisant vaciller la jeune démocratie tunisienne née de la première révolte du « Printemps arabe ».
Si sa candidature à sa propre succession ne fait aucun doute, il n’a cependant pas officialisé à ce jour s’il briguait un nouveau mandat, exception faite de quelques allusions lorsque la question lui fut directement adressée à deux reprises récemment à Monastir. Il s’était alors contenté d’assurer qu’il « ne laissera jamais le pays aux mains des non patriotes »… « Chaque chose en son temps », avait-il esquivé en avril dernier aux commémorations de la disparition de Habib Bourguiba.
L’opposition angéliste et le sens perdu des réalités
Malgré les multiples poursuites à l’encontre de chefs de parti pour « complot » et l’incarcération de dizaines de figures politiques de premier plan, une partie non négligeable de l’opposition compte bien participer à ce que certains qualifient d’ores et déjà de « jeu dont les dés sont pipés », à l’image de candidats déclarés tels que l’ex PDG éphémère de Tunisair, Olfa Hamdi, l’homme des médias Nizar Chaâri, ou encore d’autres candidatures moins fantaisistes : celles du conservateur Lotfi Mraihi désormais en fuite, le docteur cardiologue Dhaker Lahidheb, et le transfuge d’Ennahdha Abdellatif Mekki, convoqué par la justice hier. Ils devront chacun réunir des parrainages en un temps record.
Dans les milieux proches de ces cercles optimistes, sous l’effet d’un déni de la nature particulière de ce rendez-vous électoral, tous ont en commun une sorte de dissonance cognitive quant à la popularité de Kais Saïed. « Il serait à 20% tout au plus si des élections libres et transparentes venaient à être organisées », se gargarise-t-on souvent dans les rangs de ceux qui se fient au faible taux de participation (autour de 10%) aux dernières élections législatives et locales.
C’est d’abord mal connaître le logiciel à l’œuvre dans le vote typique de l’électeur tunisien qui se déplace davantage lorsqu’il s’agit d’élire « le raïs », celui qui commande, un logiciel présidentialiste hérité de l’ère pré révolutionnaire. C’est ensuite avoir la mémoire courte, la plupart des sondages ayant placé Saïed à près de 90% de popularité au lendemain du coup de force de juillet 2021, lui qui avait été élu en 2019 à 72,71 % des suffrages. Trois années de pouvoir autoritaire ont-elles suffi à une érosion massive de cette cote de popularité ? Rien n’est moins sûr, d’autant que les mouvements de protestation sont en baisse notable, ce qui traduit une certaine résignation, voire un satisfecit global de la plupart des Tunisiens en dépit d’un bilan économique en berne.
Faire ce constat, c’est se départir du « wishful thinking » d’une certaine opposition qui a perdu le sens des réalités et qui considère que c’est être pro pouvoir que de dresser tout état des lieux qui reconnaît à Saïed une popularité certes irrationnelle mais quasi intacte, tout juste faussée parfois par la bulle des algorithmes des réseaux sociaux.
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