Tunisie. Le président Kais Saïed en visite inopinée à Tunisair
Le président de la République, Kais Saïed, a effectué le 1er avril une visite inopinée à l’aéroport international de Tunis-Carthage, pour prendre connaissance de ce qu’il a qualifié de « lacunes et dépassements » survenus par le passé et qui persisteraient à ce jour au sein de Tunisair. L’opposition dénonce une énième mise en scène, mal informée, avec peu de chances d’aboutir à du concret.
Tardive, la visite présidentielle intervient dans le contexte d’une lente agonie de la compagnie aérienne nationale. Malgré une légère embellie récemment, le transporteur à la gazelle croule toujours sous le poids de la dette et d’un plan de restructuration que Khaled Chelly, en poste à la tête de Tunisair depuis mars 2021, peine à mettre en place, étant pourtant un homme du sérail, ancien directeur de l’OACA. Face à lui, les puissants syndicats UGTT protègent les 3200 employés de l’entreprise publique en cultivant le statu quo, une charge salariale conséquente proportionnellement à la taille de Tunisair.
Le leitmotiv du soupçon de corruption
Mais aucun de ces problèmes connus et structurels ne semble intéresser le président qui débarque avec des idées préconçues. Dès les premiers instants de la longue vidéo de 40 minutes publiée par la communication du Palais, Kais Saïed a en effet recours d’emblée à son champ lexical favori autour de la corruption qu’il soupçonne à tous les étages, de l’entretien des 17 appareils en activité, au recrutement, en passant par une vieille affaire d’un avion vétuste réquisitionné en Floride en 2017, « parti sans jamais revenir » selon le président de la République qui accaparait la parole face caméra et ne laissait guère l’occasion au PDG de s’expliquer.
Deux autres axes et autant de slogans peuvent résumer le discours présidentiel qui s’inscrit dans la nostalgie du passé jadis radieux de l’entreprise : « Nous ne cèderons jamais notre compagnie aérienne », allusion à la privatisation de Tunisair, et « le ciel de la Tunisie ne sera ouvert qu’à Tunisair », une référence à l’Open Sky dont le président Saïed ne veut pas entendre parler.
Saïed, en redresseur de torts, a par ailleurs mis l’accent sur la nécessité d’œuvrer autant que possible à « redonner à Tunisair ses lettres de noblesse », sans en expliquer la méthodologie ni les moyens dont il se dote, et « d’opérer une purge au niveau du personnel y opérant, d’autant plus que les opérations d’audit des recrutements publics ont révélé que plus de 130 agents et cadres ont intégré cette entreprise selon des diplômes falsifiés », une autre obsession thématique présidentielle.
Il a plus généralement saisi l’opportunité de cette visite pour réaffirmer à nouveau sa position inflexible sur le dossier de l’avenir des entreprises publiques : « Il n’y aura plus de cession des établissements et entreprises publics », a-t-il martelé, puisque le secret de leur redressement réside selon lui dans leur seul assainissement et la récupération des fonds qui leur auraient été spoliés.
Des opérations d’audit des recrutements publics ont été concrétisés dans un texte de décret paru au journal officiel de la République tunisienne, en date du 21 septembre 2023. Il s’agit du décret relatif à l’audit général des opérations d’intégration et de recrutement dans la fonction publique et les sociétés à participation publique, réalisées à compter du 14 janvier 2011 jusqu’au 25 juillet 2021.