Le président de Nidaa Tounes refuse la démission de Mohsen Marzouk

 Le président de Nidaa Tounes refuse la démission de Mohsen Marzouk

Mondher Bel Hadj Ali


Coup de théâtre ou temporisation politique ? Alors que le secrétaire général en exercice de Nidaa Tounes, Mohsen Marzouk, met en scène son propre départ du parti depuis 72 heures, il a affirmé en sortant du bureau de Mohamed Ennaceur mardi que ce dernier n’a pas accepté sa démission, et lui demande de « réfléchir » jusqu’à jeudi 18 décembre…




 


« J’ai quand même soumis ma lettre au président du parti », tient à nous faire savoir Mohsen Marzouk. « Je compte rester sur ma position », insiste-t-il, avant de se flatter que le président de l’Assemblée lui ait demandé de revenir sur sa position « pour l’intérêt général » du pays.


Hammamet, et le refus d’institutionnaliser la crise


Dimanche 13 décembre à Hammamet, énième baptême du feu pour l’ambitieux Marzouk qui a choisi la station balnéaire de Hammamet pour rassembler près de 1500 femmes selon les organisateurs, à l’occasion d’un « meeting national des Femmes de Nidaa Tounes », à l’initiative de quelques députées de la dissidence pro Marzouk.


L’homme sait qu’il porte ainsi un coup significatif à ses adversaires du même parti, en jouant sur la corde sensible de la gent féminine, symboliquement associée au « projet Nidaa Tounes », Béji Caïd Essebsi ayant récolté plus d’un million et demi de votes féminins lors des dernières élections présidentielles. C’est donc dans la foulée de cette confiscation de ce qui fait l’identité du parti, son ADN, que Mohsen Marzouk annoncera son intention irrévocable d’une refondation du parti, fort de la présence de ses deux lieutenants Mondher Belhaj Ali et Lazhar Akremi.


Croyant mettre en valeur les femmes, ce dernier s’y est par ailleurs illustré par une formule quelque peu graveleuse, en affirmant qu’« un homme émet quotidiennement des millions de spermatozoïdes qui partent en l’air, tandis que, lorsqu’une femme perd un seul ovule on assiste à un festival de sang qui dure 4 ou 5 jours ».


Ce type de progressisme droitier, c’est aussi ce qui caractérise l’incohérence idéologique de Nidaa Tounes, parti qui se veut à la fois conservateur et laïque, quoique le courant Marzouk fédère derrière lui la faction du parti comptant le plus de cadres « modernistes ». Preuve si besoin du conservatisme fiscal de Marzouk, il a réaffirmé mardi son soutien au controversé article 61 de la loi de finance 2016, une amnistie fiscale générale.


Intervenant mardi sur Express FM, le toujours secrétaire général de Nidaa a réitéré qu’il faudra compter sans lui si le but de la médiation dite des « 13 sages », initiée par le président de la République de façon plutôt inconstitutionnelle, entend perpétuer l’actuelle situation du parti : un leadership désigné de façon collégiale voire arbitraire, qui serait simplement conforté par un congrès non électif.


« Le temps des nominations est révolu, assène Marzouk. La plupart des coordinateurs régionaux ont été désignés par Hafedh Caïd Essebsi qui agit à sa guise. Cette situation est inacceptable ». Cette liberté de ton à l’égard du fils du président Essebsi se confirme via Lazhar Akremi, qui a déclaré, ironique, que Hafedh Caïd Essebsi se comporte comme la figure détestée du « fils du directeur de l’école ».


Sentant cette défiance face au clientélisme se généraliser au sein du parti, et pesant les lourdes conséquences de la création d’un « nouveau Nidaa » par les dissidents, Mohamed Ennaceur et derrière lui la droite destourienne du parti, pourraient probablement faire quelques concessions d’ici jeudi, histoire de sauver ce qui reste d’un parti à l’agonie. S’il n’aura existé que l’espace de deux années, ce que l’on désigne par Nidaa Tounes aura été tout au plus une opération ponctuelle de prise du pouvoir présidentiel, née du rejet du premier scrutin libre de l’histoire du pays.


 


Seif Soudani