Le pèlerinage juif de la Ghriba se déroule sous haute surveillance 2 mois après l’attentat du Bardo
Des centaines de personnes sont arrivées mercredi à Djerba pour le pèlerinage juif de la Ghriba, placé sous très haute surveillance après l'attentat du Bardo et une mise en garde d'Israël contre des projets d'attaques sur le sol tunisien. Des mises en garde sans fondement selon Tunis, qui dit veiller à la bonne tenue de ce pèlerinage organisé chaque année au 33e jour de la Pâque juive.
Accès au quartier juif étroitement surveillés
Des barrages ont été installés aux accès de l'île de Djerba (sud), où se trouve la Ghriba, la plus ancienne synagogue d'Afrique. Visiteurs et véhicules étaient contrôlés par la police à l'entrée de la « Hara Kbira », le grand quartier juif de l'île, dès mardi soir.
La Tunisie compte aujourd'hui près de 1 500 juifs, contre 100 000 en 1956 avant l'indépendance. La majorité vit à Djerba. En plus des pèlerins tunisiens, quelque 500 personnes venues de France, d'Israël, d'Italie, mais aussi de Grande-Bretagne et des États-Unis participent mercredi et jeudi à cet évènement festif, selon un organisateur.
Un pèlerinage déjà visé par un attentat terroriste
Le pèlerinage annuel de la Ghriba avait été visé en 2002 par un attentat-suicide au camion piégé revendiqué par Al-Qaïda qui avait fait 21 morts. L’évènement est depuis toujours placé sous forte protection. Mais, il fait cette année l'objet d'une vigilance accrue après l'attentat du 18 mars au musée du Bardo à Tunis, revendiqué par l'organisation État islamique (EI), dans lequel 21 touristes étrangers et un policier tunisien ont été tués.
Israël a en outre récemment assuré disposer d'informations faisant état de « projets d'attentats terroristes contre des objectifs israéliens ou juifs en Tunisie », en conseillant de ne pas se rendre dans ce pays. Des déclarations « qui ne sont pas innocentes (…) et dont on ne comprend pas sur quoi elles sont fondées », a sèchement répliqué mardi lors d'une conférence de presse le ministre tunisien de l'Intérieur Najem Gharsalli, selon lequel l'État hébreu veut « nuire à la réputation de la Tunisie ».
« Les plus hauts degrés » de sécurité sont en place pour le pèlerinage, a insisté mardi le ministre, en faisant état de la « vigilance jour et nuit » des forces de l'ordre. D'après M. Gharsalli, la réussite du pèlerinage est importante, car elle renforcera l'« image de coexistence, de civilisation et de tolérance » de la Tunisie. « Djerba est mieux sécurisée qu’Israël », a renchéri le président de la synagogue de la Ghriba, Perez Trabelsi, sur les ondes de Jawhara FM
Un évènement sinistré à l’image du tourisme tunisien
Mais, avec seulement quelques centaines de visiteurs étrangers, le pèlerinage peine à retrouver l’affluence d’avant 2002, lorsque près de 8000 personnes se rendaient à Djerba à cette occasion selon René Trabelsi, organisateur de l’évènement. Avant l'attentat (du Bardo), on s'attendait au retour du pèlerinage (à ses niveaux d'avant 2002). Après l'attentat -c'est tout à fait logique et normal- beaucoup de gens ont eu peur", a-t-il regretté avant d’ajouter : « on doit rebâtir ce pèlerinage comme (on doit rebâtir) notre tourisme », affecté par l'instabilité qui a suivi la révolution de janvier 2011.
La Tunisie fait face depuis le soulèvement ayant renversé le dictateur Zine El Abidine Ben Ali à un essor de la mouvance jihadiste, qui a tué plusieurs dizaines de militaires et de policiers depuis fin 2012. Jusqu'à l'attentat du Bardo, les civils avaient été épargnés par ces attentats.
Rached Cherif