Le ministre de l’Intérieur italien attendu aujourd’hui à Tunis
Le sémillant Matteo Salvini est attendu jeudi à Tunis où il effectuera une visite de travail à la tête d'une délégation composée de ses proches collaborateurs. Une visite annoncée de longue date et pour laquelle il a médiatiquement fait monter les enchères. Décryptage des enjeux.
"Merde alors !" avait pesté en pleine réunion des ministres européens le ministre luxembourgeois Jean Asselborn, face à Matteo Salvini suite aux propos de ce dernier sur l'immigration et "les jeunes Africains prenant la place de jeunes Européens"
« La Tunisie est un modèle de démocratie pour toute l’Afrique, c’est pour cette raison que l’Italie est prête à la soutenir avec détermination, y compris face aux menaces terroristes, et à intensifier les relations en y promouvant de nouveaux investissements », rapporte l'agence de presse italienne Ansa citant le vice-président du Conseil des ministres et ministre italien de l’Intérieur Matteo Salvini, la veille de sa visite à Tunis.
« Les relations bilatérales italo-tunisiennes sont excellentes et les rencontres seront une occasion pour intensifier les rapports politiques culturels et économiques entre les deux pays, dans le but de promouvoir de nouveaux investissements italiens et soutenir les 800 entreprises italiennes qui opèrent en Tunisie et qui assurent 63.000 emplois directs, en plus de la production industrielle », a ajouté le ministre issu de la Ligue du Nord.
De fausses amabilités ?
Habile dans la mesure où elle relègue la controversée question migratoire derrière les questions consensuelles de la lutte anti-terroriste et la coopération économique, la déclaration a pour effet d’abaisser le niveau de tension 24 heures avant la visite officielle. C’est que cette visite intervient dans un contexte où les sorties de ce chef de file du populisme italien provoquent de plus en plus d’incidents, notamment le 14 septembre dernier à Vienne où il avait provoqué la colère du ministre des Affaires étrangères luxembourgeois (vidéo ci-dessus).
Avant de prendre l’avion pour Tunis, Salvini a en outre déclaré qu’ « il sera fondamental de renforcer la vaste coopération dans le domaine de la sécurité, étant donné que la Tunisie est le pays qui a subi, avec l’Italie, le plus fort impact de la crise libyenne », amenant là aussi le sujet des migrants de façon subtile, placé sous le signe de la destinée commune des deux pays.
« Lutter contre l’immigration clandestine est un objectif partagé par les deux pays pour combattre les groupes criminels qui s’enrichissent avec les flux illégaux et éviter les tragédies en mer », a affirmé le ministre italien en guise de dernier mot.
Depuis qu’il a préparé cette visite avec son ancien homologue, le ministre tunisien de l’Intérieur par intérim Ghazi Jeribi dès juillet dernier, Matteo Salvini s’était fait remarquer par une énième sulfureuse déclaration le 10 septembre, lorsqu’il avait promis : « à l’automne, nous travaillerons pour que les accords d’expulsion et de rapatriement volontaire soient appliqués par tous les pays d’origine des immigrants clandestins », ajoutant qu’ « il faudrait 80 ans pour rapatrier tous les Tunisiens en situation irrégulière » et que « « Plus de 4000 personnes sont arrivées cette année depuis la Tunisie. Il n’y a pas de guerre, de famine, de peste là-bas, donc la raison de ces flux n’est pas claire, j’irai demander des informations auprès des autorités ».
En juin dernier, l’homme accusait même la Tunisie d’ « exporter ses condamnés de droit commun par le biais de la migration irrégulière ».
Un ton provocateur et une façon de se rendre en terrain hostile qui ne sont pas sans rappeler le style Donald Trump, venant rappeler si besoin était que le nationalisme a le vent en poupe comme jamais depuis la fin de la Seconde Guerre.
Seif Soudani
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