Tunisie. Le journaliste Khalifa Guesmi écope de 5 ans de prison

 Tunisie. Le journaliste Khalifa Guesmi écope de 5 ans de prison

Khalifa Guesmi

« Il s’agit de la peine la plus sévère infligée à un journaliste depuis l’indépendance du pays », s’est indigné Mehdi Jelassi, président du Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT). Simplement pour ne pas avoir divulgué ses sources dans une affaire de démantèlement d’une cellule terroriste révélé prématurément, Khalifa Guesmi voit sa peine de prison passer de 1 à 5 ans de prison ferme en appel.

« Un acharnement judiciaire jamais vu de mémoire de juriste ! » déplore aujourd’hui l’avocat de la défense qui rappelle qu’il est rare qu’un procès en appel se solde par une peine non pas allégée mais quintuplée. Pour le SNJT le message est clair : il s’agit d’intimider tout un corps de métier pour lui signifier le retour de la méthode forte.

Un collectif d’organisations de la société civile a vivement dénoncé le jugement prononcé à l’encontre du journaliste Khalifa Guesmi, correspondant de Mosaïque FM à Kairouan, estimant que ce procès témoigne d’une politique systématique de musellement de la liberté d’expression et de la presse.

Le 15 mai, la chambre spécialisée dans les affaires terroristes près le tribunal de Tunis a ainsi rendu un jugement condamnant le journaliste Khalifa Guesmi, marié et père de deux enfants, à cinq ans de prison au sens de la loi antiterroriste amendée de 2015, sur fond de sa publication d’une information dont l’origine était une source sécuritaire. L’officier, source du journaliste, voit quant à lui sa peine alourdie de 3 à 10 années de prison ferme.

 

Mobilisation générale contre la folie répressive

Dans une déclaration commune publiée hier mardi en réaction à ce procès, des organisations ont mis en garde contre « l’ampleur des violations judiciaires du texte de la constitution et des pactes internationaux ratifiés par la Tunisie », dénonçant à ce titre « les procès à répétition fomentés contre des journalistes sur la base d’un dispositif juridique liberticide en un laps de temps record ».

Le collectif estime que la peine infligée au journaliste Guesmi dans le cadre de ce procès est la plus lourde dans l’histoire de la presse tunisienne, tout comme elle reste inédite dans l’histoire des différentes dictatures qui ont gouverné la Tunisie. « Par l’entremise de sa décision, le juge tunisien semble donner un message fort selon lequel le pouvoir est plus que jamais résolu à domestiquer les journalistes et bâillonner les voix libres ».

Le collectif rappelle que dans le même procès, un capitaine de la Brigade antiterroriste (BAT) écope de 10 ans de prison en vertu de l’article 62 de la loi antiterroriste, en sa qualité d’auteur principal, estimant que ce jugement favorisera les réflexes d’autocensure des autorités officielles et le blackout médiatique. Si des voix s’étonnent du verdict étant donné que l’opération antiterroriste en question avait été couronnée de succès, d’autres affirment que la réussite ne fut que partielle et que des éléments ont pris la fuite suite à l’info donnée par la radio. Toutefois, la défense fait valoir la totale bonne foi de Guesmi et de son informateur et affirme qu’elle va se pourvoir en cassation.

Face à la montée en puissance de ces pratiques régaliennes répressives, le collectif a décidé d’organiser une manifestation de protestation demain jeudi 18 mai, devant le siège du SNJT, pour fustiger la folie répressive en cours en Tunisie.

Le collectif exhorte les citoyens, activistes des droits de l’homme, journalistes et les mouvements de jeunesse et sociaux à participer massivement à cette manifestation. Plus de 40 organisations et associations ont d’ores et déjà signé la déclaration dont notamment la LTDH, le SNJT, l’ATFD, le FTDES, I-Watch et la Fédération générale de l’information rattachée à la structure syndicale de l’UGTT.

 

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