Le directeur d’une chaîne nationale limogé pour avoir exercé une forme de censure
La direction de la Télévision nationale tunisienne a décidé de démettre de ses fonctions le directeur de la chaîne nationale Al Wataniya 2, Imed Barboura, pour avoir censuré la prestation de serment de l’élu Yassine Ayari lors d’une séance plénière de l’Assemblée des représentants du peuple.
La séquence censurée
Prétextant « une panne technique », le responsable, lui-même ancien journaliste présentateur du journal télévisé, a ordonné la diffusion sur la fréquence terrestre seulement de l’évènement, au lieu de la transmission en direct sur la fréquence satellite à laquelle la chaîne est dédiée, sur le modèle de la chaîne française LCP.
Le PDG de l’Etablissement de la télévision nationale a aussitôt annoncé dans un communiqué le limogeage du directeur de sa deuxième chaîne Watania 2. Le communiqué précise que la télévision nationale rediffusera la cérémonie de prestation de serment du nouveau député Yassine Ayari, ainsi que les 10 minutes initiales du début des travaux de l’ARP.
En plus de cette mesure disciplinaire, une enquête doit être ouverte pour connaître les motivations ayant poussé le directeur limogé d’une chaine publique à agir de la sorte, 7 ans après la révolution, ravivant des pratiques que l’on pensait révolues.
Le SNJT dénonce « une bavure »
« Cette bavure vient priver les Tunisiens et Tunisiennes de leur droit de suivre cet événement », a regretté à son tour le Syndicat des journalistes tunisiens, qui profite de l’incident pour réclamer le limogeage du PDG par intérim de l’Etablissement de la télévision tunisienne, tenu pour responsable de cette bavure.
Le syndicat a appelé la Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (HAICA) a lancer un appel à candidature libre pour le poste de Président-directeur général de la Télévision tunisienne. Un PDJ « nommé de manière parachutée et unilatérale » sans se conformer à la procédure de l’avis conforme concernant la nomination des présidents-directeurs généraux des établissements publics de la communication audiovisuelle, stipulée par le décret-loi n°116 régissant le secteur audiovisuel.
Plus royaliste que le roi ?
Dans l’hémicycle, la députée Ennahdha Yamina Zoghlami avait aussitôt condamné « une censure humiliante pour l’ensemble des élus du peuple », appelant le président de l’ARP à éventuellement faire refaire la prestation de serment.
Barboura, qui dément les faits, avait déjà été remercié une première fois en 2011, quelques semaines après la révolution, suite à son entretien jugé biaisé avec le directeur de la sûreté de l’époque Taoufik Dimassi.
L’homme a-t-il agi sur ordre ? C’est ce que tentera d’établir l’enquête administrative. Une chose est sûre, le jeune député indépendant, ancien cyberactiviste, Yassine Ayari, est honni par certains cercles du pouvoir pour ses positions radicalement pro révolution. Un fossé générationnel à l’origine, le même jour, d’une anecdote plutôt insolite où l’octogénaire président du Parlement Mohamed Ennaceur s’est trompé à trois reprises avant de pouvoir prononcer son nom correctement.
Seif Soudani
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