Le cri d’alarme des propriétaires de salles de sport

 Le cri d’alarme des propriétaires de salles de sport

Avant la crise


En Tunisie, si l’année noire qui se profile pour le secteur du Tourisme est régulièrement médiatisée depuis le début de la crise Covid-19, un autre secteur pourrait vivre une année apocalyptique : celui des établissements sportifs et de bien-être, au ralenti depuis début mars, qui risque de perdre près de 50% de son activité post déconfinement, pour un pays qui compte environ 2000 salles employant au moins 15 mille personnes.


Conscients du péril qui les frappe probablement davantage que n’importe quelle autre activité, les acteurs du secteur ont entamé le 22 avril une initiative du sauvetage via la Chambre syndicale nationale des propriétaires des complexes et des centres de sports privés. Car quand bien même ils venaient à rouvrir après 1 mois et demi d’inactivité, la paranoïa de la distanciation sociale inaugure une nouvelle ère dont on peut penser qu’elle ne sera pas très gym-friendly, des espaces où des équipements sont utilisés par de nombreuses personnes à la fois.  


Dans une lettre ouverte adressée au chef du gouvernement, au ministre de la Jeunesse et des Sports et au Président de la centrale patronale UTICA, la Chambre syndicale a ainsi lancé un véritable cri de détresse marquée par l’arrêt des activités de l’ensemble des établissements sportifs.


« Depuis l’éclatement de cette crise sanitaire, consécutive à la propagation du coronavirus à travers le monde ainsi que ses répercussions évidentes, et pour préserver la santé de tous, les quelque 1700 établissements sportifs et de bien-être que compte le secteur ont dû fermer avec pour conséquence des revenus en chute libre, des salariés au chômage technique sans compter de lourdes difficultés pour ces entreprises à se relever » peut-on y lire.


« Etant donné que le sport renforce les défenses immunitaires et la santé, plusieurs initiatives ont été entreprises depuis le début du confinement, afin de proposer à la population des services numériques, à travers des conseils nutritionnels et des cours en streaming sur les réseaux sociaux. Sauf que la prorogation de la durée de confinement et l’incertitude de la reprise liée aux modalités de déconfinement vont provoquer inéluctablement des défaillances financières et probablement la fermeture définitive d’établissements, mettant en péril des milliers d’emplois. Afin d’éviter que cette double crise sanitaire et économique ne se transforme plus tard en une crise sociale, la Chambre syndicale nationale des propriétaires des complexes et des centres de sports privés appelle à la solidarité et propose les mesures suivantes d’accompagnement et d’allègement fiscal », poursuit le document.


 


Des mesures pour accompagner les charges locatives


Le loyer étant le coût le plus important des acteurs de cette industrie, la Chambre syndicale demande à ce que les bailleurs soient solidaires en assumant leur part de la crise.  


Sans intervention politique, l’inflexibilité de certains propriétaires privés pourrait pousser de nombreuses entreprises et entrepreneurs à déposer le bilan de leurs clubs. Selon Radhouane Chaabouni, vice-président de la Chambre, de nombreux gérants ont d’ores et déjà signalé des cas d’envoi de huissiers de justice demandant l’évacuation des lieux.  


C’est pourquoi, le syndicat appelle l’Etat à mettre en place un moratoire pour interdire l’expulsion, demander la suppression des loyers pendant la période de confinement, jusqu’à la reprise des activités, et inciter à la réduction des loyers, tout en accompagnant progressivement les loyers jusqu’à la fin de l’année 2020, de sorte de permettre aux entreprises de rouvrir et de survivre à cette crise.


« Nous parlons de PME qui emploient souvent en tant que coachs, payés à la séance, des indépendants et des diplômés d’instituts sportifs en attendant qu’ils sécurisent un emploi, sachant que ces derniers n’ont même pas droit à l’aide sociale de 200 dinars », déplore Chaabouni.


 


Mesures d’incitation sociale et fiscale


Toute entreprise qui fournit des services de sport et de bien-être est de grande utilité publique quand on sait que la pratique régulière du sport prévient des pathologies lourdes (comme certains cancers) et réduit considérablement les risques cardiovasculaires, rappelle la même source, pour réclamer par ailleurs un ajustement du taux de la TVA à 7% au lieu de 19%, tout en s’engageant à répercuter cette baisse de TVA sur les prix des abonnements.


Aux Etats-Unis, de nombreux assureurs privés proposent ainsi à leurs clients de prendre en charge tout ou partie de leur abonnement aux gyms, de sorte de réduire les coûts d’éventuelles maladies chroniques.


« La saisonnalité des inscriptions étant concentrée sur les mois de janvier et septembre, rouvrir en mai (pendant le ramadan), voire en juin, avec une trésorerie au plus bas, et des charges supplémentaires (limitation des accès aux clubs, matériels de protection et de désinfection, renforcer le personnel de nettoyage…) pourrait être fatal. « Au moment de rouvrir, nous serons déjà dans la basse saison que constitue traditionnellement le mois du ramadan, doublé de la basse saison estivale de la saison chaude de l’été. Or aucune entreprise ne peut tenir au-delà de 6 mois de quasi inactivité, avertit Radhouane Chaabouni.  


Il faudrait donc que l’Etat accompagne ces réouvertures, en mettant en place une exonération des charges sociales et un décalage des dettes fiscales jusqu’à la fin de l’année, conlut la lettre adressée à Elyes Fakhfakh et au ministère de tutelle, qui ne trouve pour l’instant « aucune réponse », selon Chaabouni.


A l’avenir, à condition de respecter un cahier des charges sanitaire strict en salle, les entreprises de sport et de remise en forme renforcent l’immunité collective, rendent les populations plus résistantes aux infections y compris respiratoires. Il est donc de l’intérêt général et de celui de l’Etat de les sauver.  


En France où l’Etat s’est engagé à une batterie de mesures en leur faveur, 30% du secteur pourrait disparaître selon les analystes, tandis qu’en Tunisie, c’est près de la moitié du secteur qui est menacé d’extinction.