Tunisie. Le Canada participerait finalement au sommet de la Francophonie à Djerba

 Tunisie. Le Canada participerait finalement au sommet de la Francophonie à Djerba

Le Premier ministre canadien Justin Trudeau aurait fini par accepter que le sommet de la Francophonie se tienne comme prévu en Tunisie, et se rendra bien à Djerba en novembre prochain. En coulisses, Emmanuel Macron aurait œuvré pour l’en convaincre. C’est du moins ce que rapporte Africa Intelligence, en dépit du scepticisme persistant des médias d’Ottawa.

Pragmatiques, les politologues canadiens semblent résignés à l’impératif d’une participation de leur pays au sommet en Tunisie, malgré les réticences du pouvoir central d’Ottawa (séquence d’une émission du 17 octobre 2022)

Depuis le coup de force institutionnel du président tunisien Kaïs Saïed, le 25 juillet 2021, via lequel il s’était arrogé tous les pouvoirs, Ottawa a fait part à de multiples reprises de son inquiétude quant à la régression de la démocratie tunisienne.

Dès début août, nous étions revenus sur le véto opposé par le Canada à la tenue du 18e Sommet de l’OIF en Tunisie, qui coïncide avec le cinquantenaire de l’Organisation, de sorte de ne donner aucune caution internationale au démantèlement démocratique en cours en Tunisie. Mais il semble que non seulement le lobbying diplomatique de la cheffe du gouvernement tunisien, Najla Bouden, a porté ses fruits, tout comme les efforts en ce sens de l’Elysée qui reste un allié de Carthage malgré les réserves des institutions européennes.

Ainsi, après avoir durant de nombreux mois fait pression pour le report, voire le déplacement pur et simple, du prochain sommet de l’Organisation internationale de la francophonie, le premier ministre canadien s’inclinerait devant l’insistance de Macron, son veto ne pesant pas lourd face à la France qui aurait eu le dernier mot, en tant que principal bailleur de fonds de l’event. Trudeau devrait donc participer à la grand-messe de la francophonie à Djerba, prévue les 19 et 20 novembre.

>> Lire aussi : Entretien Saïed – Macron : Le Sommet de la francophonie passé sous silence ?

 

Le référendum : un semblant de légitimation démocratique

Afin de persuader le Canada de participer à l’événement, les pourparlers entre le président Emmanuel Macron et le premier ministre Trudeau araient été engagés depuis l’été dernier. Le dossier sensible avait déjà fait l’objet d’une discussion entre les deux hommes, en marge du sommet du G7, fin juin à Elmau, en Allemagne.

Puis cette entrevue avait été suivie d’un entretien téléphonique, début août, entre Emmanuel Macron et Kaïs Saïed, durant lequel Paris avait rassuré Tunis quant à son souhait de voir se tenir le sommet de l’OIF à Djerba. Une posture française confirmée par l’ambassadeur de France en Tunisie, André Parant, tout sourire lors d’un entretien le 22 août avec le ministre des affaires étrangères Othman Jerandi, dont le département supervise l’organisation de l’évènement.

C’est aussi l’adoption le 25 juillet par référendum de la nouvelle constitution tunisienne rédigée et proposée par Kaïs Saïed, qui aurait également joué un rôle dans le changement d’attitude de Justin Trudeau sur ce dossier, puisque le peuple tunisien semble convaincu par son leader. Le scrutin offrait en effet un vernis de légitimité démocratique au processus lancé par le président tunisien en 2021, en dépit d’une participation extrêmement limitée (environ 30 % des inscrits, selon l’instance des élections nommée par le même Saïed).

Il n’en demeure pas moins que le sommet de l’OIF se tiendra dans un contexte politique qui reste particulièrement tendu, à moins d’1 mois des élections législatives prévues le 17 décembre.

Autre concession surprise offerte par Trudeau : alors que son pays appuyait depuis 2018 un nouveau mandat de la canadienne Michaëlle Jean à la tête de l’OIF, le premier ministre canadien ne s’opposerait plus désormais à la reconduction de la Rwandaise Louise Mushikiwabo, certes seule candidate à sa propre succession, un mandat qui sera effectif lors du sommet de Djerba.

Des négociations sont par ailleurs toujours en cours quant à un possible avancement d’une journée de l’inauguration du sommet de la Francophonie, en raison du coup d’envoi de la Coupe du monde de football au Qatar, prévue le 20 novembre. Car plusieurs dirigeants et chefs d’Etats attendus en Tunisie souhaitent se rendre à Doha pour assister à la cérémonie.

 

Les médias canadiens toujours incertains

« Que fera le gouvernement canadien ? », s’interrogeait encore le 11 octobre courant le site canadien La Presse, généralement bien informé des arcanes du pouvoir. « Nous sommes en réflexion et en discussion avec d’autres membres de la Francophonie […] Les conversations continuent sur l’enjeu », a répondu le Premier ministre canadien, la veille, en marge d’un point presse économique.

« Un des principes [fondamentaux] de la Francophonie, c’est l’arrimage des valeurs des pays francophones à travers le monde : des principes de démocratie, de règle de droit, de respect des droits humains, sont au cœur de la Francophonie, tout comme cette belle langue française que nous partageons », a-t-il également martelé il y a moins de deux semaines.

Les membres du Conseil permanent de la Francophonie (CPF) avaient pour rappel opté pour un deuxième report (après celui de 2021 pour cause de Covid), invoquant cette fois la pandémie mais aussi explicitement la crise politique provoquée par les changements adoptés qui donnent plus de pouvoirs au président Kaïs Saïed. Or, côté OIF, on signalait en août 2022 que la décision finale n’était pas encore prise. « Nous ne sommes pas en mesure de vous répondre à ce stade-ci, car ce sont les États et les gouvernements membres qui se prononceront sur le sujet », répondait à La Presse une porte-parole.

Depuis le 17 octobre (vidéo ci-dessus), les médias canadiens n’ont cependant plus traité de la question, tandis qu’à Djerba, des témoins parmi les organisateurs nous confirment que les préparatifs continuent de pied ferme.