En Tunisie, l’annulation des JCC fait débat
Faut-il interdire et annuler toutes sortes d’activités culturelles au nom de la solidarité avec le martyr du peuple palestinien ? La question fait débat en Tunisie au moment où plusieurs évènements à caractère festif sont proscrits. Parmi eux, le prestigieux Festival des Journées cinématographiques des Carthage (JCC).
Déjà objet de virulentes critiques pour son édition 2022, dont la montée des marches avait été jugée « indécente » y compris par le président de la République qui avait convoqué à ce sujet la ministre de la Culture, les JCC jouent décidément de malchance. En guise de mesures censées réformer ce festival international grand-messe du cinéma, conformément à la volonté présidentielle, la ministre Hayet Ketat avait décidé de revenir à une biennale, plutôt qu’à un festival annuel, ce qu’étaient devenus les JCC depuis 2014. Mais la pression des professionnels du secteur avait fini par payer en 2023 où l’autorité de tutelle avait cédé aux demandes incessantes d’organiser une 34ème session « extraordinaire » cette année, pour célébrer le centenaire du cinéma tunisien.
Il n’en sera rien, puisqu’à une semaine de l’ouverture des JCC 2023, le ministère de la Culture a annoncé hier soir « qu’en solidarité avec notre peuple frère palestinien et compte tenu de la situation humanitaire critique observée dans la bande de Gaza et dans tous les territoires palestiniens occupés à la suite de la brutale agression sioniste, le ministère des Affaires culturelles a décidé d’annuler l’organisation de la 34e édition des Journées du Cinéma de Carthage ».
Tollé au sein de la profession
« La décision d’annuler l’organisation de la 34ème édition des Journées du Film de Carthage est une décision aussi surprenante que choquante » estime ce matin le réalisateur Ibrahim Latif. « Oui, il est nécessaire d’annuler toutes les manifestations festives lors de toute manifestation à la lumière de ce qui se passe dans les territoires palestiniens occupés, mais l’administration du festival a fait un travail formidable à l’occasion de la célébration du centenaire du cinéma tunisien, et ce festival est un festival placé sous le signe de la résistance (…) Je considère qu’annuler un festival de films culturels est un constat de défaite », poursuit-il avec amertume à propos de la décision initiale de n’annuler que les manifestations à caractère festif, qui s’est mue en annulation pure et simple de l’intégralité de l’évènement.
Annuler le Festival du Film de Carthage, c’est de l’ignorance, de l’arbitraire et de l’incompréhension (pour ne pas dire autre chose) du rôle du cinéma dans la société et dans l’émancipation des esprits, a considéré de son côté l’ancien ministre Faouzi Ben Abderrahman, pour qui l’évènement aurait pu servir de plateforme éducative pour l’histoire du conflit palestinien. « L’heure n’est pas aux défilés des starlettes et de la communauté LGBTQ », rétorquent ceux qui soutiennent la décision d’annulation.
Fermeture de plusieurs bars
Autre polémique, les autorités locales ont décidé de retirer l’autorisation d’exploitation du célèbre Touring Club Ardjan, situé dans la zone touristique de Gammarth, banlieue nord de Tunis, un haut lieu de la night life tunisienne.
C’est ce qu’a annoncé le chargé de la gestion des affaires du gouvernorat de Tunis, Farès Mejri, jeudi soir 19 octobre. Une décision administrative qui sera appliquée par les unités des forces de l’ordre relevant du district de la sûreté nationale de Carthage et de la délégation correspondante.
Selon la même source, il se serait avéré que l’entreprise exerçait son activité sans respecter les procédures légales, n’étant pas classée par l’Office National du Tourisme. Le responsable local a ajouté que « l’entreprise faisait déjà l’objet de plusieurs dépassements impliquant l’ordre de fermeture ». Mais comme l’indiquent les nombreux posts relayés par des militants de l’extrême gauche anti sioniste tunsienne, le timing de cette fermeture de l’établissement devenu le temple de la fête de la jeunesse « woke » depuis 2012 n’est pas dû au hasard.
Depuis la récente escalade du conflit meurtrier à Gaza, Patrick Sebag, propriétaire du complexe, soupçonné de réinvestir une partie de ses bénéfices en Israël, fait en effet l’objet d’une campagne hostile sur les réseaux sociaux, même si ce dernier s’en défend publiquement.