La Tunisie officiellement classée par l’EU dans la liste des pays « exposés au blanchiment d’argent »
La Tunisie a été ajoutée à la liste noire de l’UE des « pays tiers susceptibles d’être fortement exposés au blanchiment de capitaux et au financement du terrorisme », aujourd’hui mercredi 7 février à la mi-journée, et ce malgré une forte opposition au Parlement européen.
La majorité absolue nécessaire à l'interdiction de l'inclure dans la liste noire était de 376 voix, un nombre de vote que le camp du non au listing n’a pas pu atteindre. Le vote de mercredi reflète néanmoins la division du Parlement sur cette question avec 357 voix en faveur de la motion de rejet de la nouvelle liste, à 283 voix contre, et 26 abstentions.
La plupart des députés votant en faveur de la Tunisie pensent que ce vote « n'est pas mérité et qu'il s'agit d'une démocratie naissante qu'il faut soutenir », à l’image de Marie-Christine Vergiat (vidéo ci-dessus).
La décision de l’UE replonge de facto la Tunisie dans une crise diplomatique, économique et de politique interne, après la détente où le pays respirait de nouveau suite au retour de l’UE sur sa décision de retirer le pays de la liste noire des paradis fiscaux. Un rétropédalage qui n’était donc que de courte durée. On imagine donc le désarroi du gouvernement Youssef Chahed, qui avait pourtant créé en 2017 un secrétariat d’Etat dédié à la question cruciale de la diplomatie économique.
Ni le secrétaire d’Etat chargé de la diplomatie économique, ni la récente visite relativement réussie d’Emmanuel Macron n’auront donc pu empêcher cette nouvelle « catastrophe ».
Le dispositif « LBA / FT » : Lutte anti-blanchiment / Financement du terrorisme
Le Parlement européen devait décider si le pays devait être classé dans une liste noire d'États exposés au blanchiment d'argent et au financement du terrorisme.
Saisi par la Commission européenne, le Parlement européen met donc une fois de plus la Tunisie en bien mauvaise posture, la liste comprenant notamment l’Afghanistan, l’Irak, la Syrie et le Yémen…
La crise qui se profile est d’autant plus grave que le gouvernement tunisien n’a pas produit un dossier justificatif dans les temps. Le 23 janvier, les ministres des Finances étaient revenus sur leur décision d'intégrer la Tunisie à une liste « grise », celle des pays qui doivent montrer leur bonne foi en entamant des réformes.
Les deux affaires se télescopent et soulèvent la question du blanchiment d’argent et du financement du terrorisme. La première alerte avait pourtant été donnée en novembre 2017 par le Groupe d’action financière (GAFI), organisme intergouvernemental de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.
Il avait placé la Tunisie dans la catégorie des pays « à haut-risques et non-coopératifs » susceptibles d’être fortement exposés au blanchiment de capitaux et au financement du terrorisme. Il se basait sur les chiffres de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) qui dévoilaient des dysfonctionnements.
À titre d’exemple, sur 28 000 entreprises étrangères installées en Tunisie, 22 000 n’ont aucun employé. De quoi susciter de nombreux questionnements.
Ayant consacré l’essentiel de sa communication gouvernementale autour de la lutte contre la corruption dès mai 2017, le gouvernement Chahed est plus que jamais dans la tourmente, une démission du gouvernement n’était plus à écarter.
Seif Soudani
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