La répression contre les blogueurs « hors la loi » s’intensifie

 La répression contre les blogueurs « hors la loi » s’intensifie

Palais de justice de Tunis


Reconnus coupables d’avoir été la source d’une rumeur sur la mort du président de la République Béji Caid Essebsi le 18 novembre dernier, les deux jeunes internautes Mongi Djedidi et Abderrazak Khazri ont tous deux été condamnés à six mois de prison ferme ainsi qu'à 5000 dinars d'amende chacun, selon un jugement rendu par le Tribunal de première instance de Jendouba. Une condamnation sévère, en vertu d’une « loi désuète », s’indignent certains.



Hajer Awadi, également arrêtée dans la nuit du 4 au 5 janvier 2018


 


Pour les avocats de la défense, le jugement rendu serait « sans rapport avec le dossier », et la sentence « sans fondement légal ». Pour rappel, le 18 novembre 2017, une information avait été largement diffusée sur les réseaux sociaux, via un montage du logo de France 24, annonçant le décès du président de la République Béji Caïd Essebsi (91 ans), ce qui avait même contraint la chaîne d’information à démentir, suivie par la présidence de la République.


Mais si la chaîne française avait dans un second temps annoncé qu’elle poursuivrait les responsables de l’intox, c’est en vertu de l’article 67 du code pénal consacré à « l’offense sur la personne du président de la République » que les deux plaisantins ont été jugés.  


« Cette rumeur vise à déstabiliser le pays, et nous allons dévoiler tous ceux qui se cachent derrière ce mensonge », avait alors promptement réagi Saïda Garrache, porte-parole de la présidence, non sans une certaine dramatisation, affirmant qu'une plainte avait été déposée auprès du parquet. Noureddine Ben Ticha, conseiller politique à la présidence de la République, avait quant à lui laissé entendre que les deux faussaires appartenaient au Watad, parti d’extrême gauche, ce qui a contribué à politiser l’affaire.


Fraîchement élu député de la circonscription Allemagne, Yassine Ayari a aussitôt réagi depuis Paris pour dénoncer « une sentence archaïque et un chef d’accusation moyenâgeux » de « crime de lèse-majesté », « une disposition qui a disparu des procédures pénales en France depuis 1832 », tout en promettant d’amender ce volet de la loi tunisienne.


 


D’autres activistes donnés en exemple


Nous revenions hier sur les hausses spectaculaires des prix à la consommation entrées en vigueur avec la loi du budget 2018. Indignés par les niveaux atteints par la vie chère, trois jeunes Younes Rouissi, Assrar Ben Jouirah, et Zied Mahdhi ont relayé par des graffitis sur les murs la campagne « #Fech_testannaw » (hashtag « qu’attendez-vous ? ») incitant la rue à bouger. Ils ont été arrêtés hier 4 janvier pour actes de vandalisme. Trois autres jeunes, Warda Atig, Raghda Fhoula, et Oussama Chaâbouni, ont également été arrêtés pour distribution de tracts contenant le manifeste de la même campagne.


D’autres arrestations, toujours hier jeudi cette fois en soirée, ont eu lieu à la Marsa. Pour avoir filmé la vidéo ci-dessus où Hajer Awadi appelle à manifester et « mourir dignement », celle-ci ainsi que Sarah Larabi et Nader Snoussi ont tous été conduits au poste de police, jusqu’à ce qu’un comité de trois avocats prenne acte de leur libération conditionnelle.    


Traditionnellement agité en Tunisie (émeutes syndicales de 1978, émeutes du pain de 1984, révolution de 2011, etc.), le timing de l’hiver social inspire tout autant activistes et syndicalistes que les autorités dans une certaine paranoïa autoritaire chronique.


 


Seif Soudani


 


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France 24 porte plainte contre la source de la rumeur du décès du président tunisien