La loi de réconciliation économique est-elle « revenue par la fenêtre » ?

 La loi de réconciliation économique est-elle « revenue par la fenêtre » ?

Slim Chaker


Depuis la fin novembre, le ministre des Finances Slim Chaker se démène auprès de la commission parlementaire des Finances pour faire du lobbying en faveur d’une proposition relative à la promulgation d'une loi décidant l'amnistie fiscale générale. Problème, ce texte comporte plusieurs articles reprenant mot pour mot certains articles du controversé projet de loi de réconciliation économique que l’on pensait enterré dans les tiroirs de ses auteurs.




 


Chassez le naturel…


Vigilants, les membres du collectif « Manich Msemah », qui mène une campagne contre les velléités d’amnistie de la corruption sous l’ancien régime, a attiré notre attention sur le fait que l’article 7 du projet de loi de réconciliation économique, non encore examiné par les députés, est quasi identique dans ses alinéas a, b, et c à l’article 61 de la loi du budget 2016 en cours d’examen à l’Assemblée des représentants du peuple.


Ainsi l’article 7 de la loi de réconciliation stipulait que « l'amnistie sera accordée aux infractions de change commises avant l’entrée en vigueur de cette loi, telles que citées ci-après :


a.) La non-déclaration des biens à l'étranger,


b.) Le non-rapatriement en Tunisie des revenus et gains mentionnés dans le paragraphe


« a » cité ci-haut, et les gains de change, et le non transfert de ces montants comme le prédisposent les formalités en vigueur.


c.) La détention de billets de banque de monnaies étrangères en Tunisie et leur non-dépôt auprès d’un intermédiaire agréé et le non-transfert de ces devises à chaque fois que les dispositions en vigueur le dictent.


L’amnistie couvre également les infractions fiscales relatives à la non-déclaration des chiffres d’affaires et bénéfices liés aux profits et monnaies visées aux paragraphes "a","b" et "c" ci-dessus, contre toute sanction prévue dans la législation fiscale en vigueur.


 


Hormis le premier paragraphe de l’alinéa « c » relatif à la détention illégale de devises étrangères, cette partie est reprise telle quelle dans le projet d’amnistie fiscale proposé par le député président du bloc Nidaa Tounes, Mohamed Fadhel Ben Omran, qui affirme que « l’introduction de cette disposition dans le projet de la Loi de finances 2016 permettra au gouvernement de mobiliser des ressources financières additionnelles et donc d'alléger les charges fiscales du contribuable ».


Cela relève-t-il de l’opportunisme d’une politique de droite ou cynisme d’une manœuvre de passage en force ? Tout porte à croire que le projet de loi présidentiel de réconciliation économique étant tombé aux oubliettes, ajourné sine die, nous sommes face à une amnistie fiscale sous forme de succédané de l’ancien texte, dont les objectifs ont été révisés en vue de garantir des minimas de gages de l’Etat vis-à-vis de certains hommes d’affaires. Pour autant, nul ne peut garantir qu’ils renverront l’ascenseur en réinvestissant en Tunisie.


 


Seif Soudani