La France répond à l’accusation d’exploitation de richesses

 La France répond à l’accusation d’exploitation de richesses

Siège de l’ambassade française à Tunis


Par la voix de son ambassade à Tunis, la France a affirmé jeudi qu’« aucune entreprise française ne bénéficie de conditions préférentielles ou de droits particuliers pour exploiter les ressources naturelles en Tunisie dans les domaines de l’eau, des phosphates ou du pétrole ».


C’est en ces termes que la représentation diplomatique française a réagi sur son site officiel à la publication par l’Instance Vérité et Dignité de documents d’archives qui démontrent selon la version de  l’IVD « l’exploitation éhontée par l’occupant français des richesses souterraines tunisiennes en vertu de privilèges accordés à la France qui n’ont pas été abolis après l’accord (d’indépendance) du 20 mars 1956 ».


 


Un anachronisme populiste ?


Selon l’ambassade de France, pour qui « les relations franco-tunisiennes n’obéissent pas aux logiques du passé »,  « la (re)publication récente de documents d’archives concernant la période coloniale, connus des historiens et accessibles à tous depuis longtemps, donne lieu à de nombreux commentaires et à une lecture toujours salutaire et transparente de l’histoire ».


« Comme elle l’a déjà fait en 2017 avec l’Instance Vérité et Dignité pour lui faciliter ses travaux, la France met bien volontiers à disposition des chercheurs les archives qui sont en sa possession pour éclairer les relations qui régissaient les deux pays avant 1956 », renchérit l’ambassade qui explique que « s’agissant de l’exploitation du sel marin, elle est assurée par de nombreuses entreprises à capitaux non français. La société COTUSAL, détenue par des capitaux tunisiens et français et ne produisant du sel que sur marais salants, a indiqué à l’ambassade avoir demandé à maintes reprises l’abandon de la convention de 1949 conclue avec l’Etat tunisien ».


L’IVD a indiqué pour sa part que les documents révélés « sont autant de vérités qui démontrent l’ingérence de l’occupant français dans les orientations économiques de l’Etat indépendant et l’exploitation de ses richesses », faisant remarquer que certains accords prévoient des droits limités à l’Etat tunisien lorsqu’il s’agit de concurrence à l’égard de sociétés françaises.


 


Des historiens s’invitent au débat


Reçu jeudi 15 mars au palais de Carthage par le président Béji Caïd Essebsi, l’historien universitaire et expert en histoire de la Tunisie contemporaine, Khaled Abid, a mis l’accent sur le rôle des historiens dans l’étude et la conservation de la mémoire de la Tunisie contemporaine.


« L’historien joue également un rôle clé dans la lutte contre toute tentative de falsification, de mensonge ou d’altération de l’histoire, dans la mesure où de telles pratiques risquent d’asseoir une culture de haine et d’aversion, de diviser les Tunisiens et d’instrumentaliser l’histoire pour provoquer des conflits collatéraux politiciens », a-t-il estimé.


Dans un article publié au début de la semaine l’historien Khaled Abid a dénoncé « l’ignorance » par la présidente de l’Instance Vérité et Dignité, Sihem Bensedrine, des règles de l’écriture de l’Histoire. Selon lui, Bensedrine « prétend s’être procurée par ses propres moyens des documents des archives volées par la France sur les richesses tunisiennes encore aux mains des Français, alors qu’ils sont connus des Tunisiens ».


Ces documents sont des documents d’archives français et n’ont pas été volés à la Tunisie, a-t-il tenu à préciser. Des copies de ces archives ont été obtenues par la Tunisie à la demande du président Habib Bourguiba lui-même dès les années 1980 et sont en possession de l’Institut national de l’histoire contemporaine.


Le directeur technique de la COTUSAL, Riadh Machta, avait quant à lui déclaré à l’agence TAP que « l’Etat tunisien n’a pas résilié, en 2014, la convention permettant à cette Compagnie, dont le capital est à 65% étranger et à 35% tunisien, d’exploiter le domaine public maritime pour l’extraction du sel, ce qui a abouti au renouvellement automatique de cette convention datant de 1949, jusqu’à l’année 2029 ».


Enfin, le membre révoqué de l’IVD, Mustapha Baâzaoui, a estimé que « L’IVD n'est pas autorisée à fuiter des documents et des archives hors son rapport final à l'occasion de la fin de son mandat. Elle est aussi tenue par la rigueur de l'investigation et le sérieux des informations qu'elle publie ce qui suppose que toute informations ou vérité qu'elle publie doit être rigoureusement argumenté et prouvé. Il ajoute que ce dossier n’entre pas dans les prérogatives de l’Instance qui relèvent des dispositions de la loi 53 qui l’a instituée et dans la mesure où son champ d’exercice concerne les violations des droits de l’Homme commises par l’Etat tunisien ».


Le Parlement a fixé au 24 mars courant une séance plénière pour statuer sur la prolongation du mandat de l’Instance jusqu’au 31 décembre 2018, ce qui a pu, selon certains observateurs, motiver la tentation de l’IVD de déclencher un débat incongru sur la question des archives françaises.