Tunisie. La droite RN, cet encombrant soutien du pouvoir
Depuis la réélection du président de la République Kais Saïed pour un deuxième mandat avec 90,69% des suffrages, la page officielle du Palais de Carthage publie les messages de félicitations et autres conversations téléphoniques avec des chefs d’Etats étrangers, essentiellement arabes. Mais certaines chancelleries y brillent cette fois par leur absence : officiellement, aucun chef d’Etat occidental n’a en effet souhaité se livrer à cet exercice à ce jour.
Si bien qu’une partie de l’opposition tunisienne qui a boycotté le scrutin fait remarquer aujourd’hui que même le plus solide allié affiché du président Saïed, l’Italie de Giorgia Meloni, est aux abonnés absents. Rien non plus sur le compte X (ex Twitter) du président français Emmanuel Macron, qui pourtant fut si prompt à féliciter la Tunisie en 2019 en pareille occasion. « À l’exception des grands voisins démocratiques dont l’Algérie, l’Égypte, la Libye et la Syrie, quels sont les pays qui ont félicité Son Excellence suite à sa large victoire aux élections présidentielles ? », renchérit, ironique, Hichem Ajbouni.
Jubilation de la droite dure française
On connaissait la franche amitié de la présidente du Conseil des ministres avec Kais Saïed, mais au Parlement européen, ce dernier peut compter sur un appui moins connu et peut-être encore plus ostentatoire : celui du Rassemblement national (RN), notamment en la personne du député européen Thierry Mariani, réputé pour ses positions radicalement anti migrants, et lui aussi fraîchement réélu en mai dernier.
En octobre 2021, Mariani se félicitait déjà du coup de force constitutionnel du président Saïed, en déclarant devant l’hémicycle européen que « le Président tunisien Kaïs Saïed, c’est l’inverse des islamistes en baskets incapables de lire le Coran et qui se vendent à la Turquie […]. Laissons sa chance à ce nouveau gouvernement qui a toutes les qualités pour redresser la Tunisie » :
En mars 2023, devant la même tribune, Thierry Mariani a réitéré cette lecture partiale et sélective des évènements post révolution en Tunisie qu’il réduit au « chaos islamiste » tout en voyant en le très conservateur Kais Saïed une alternative inespérée :
La veille du scrutin présidentiel du 6 octobre, le même Mariani persiste et signe, en appelant de tous ses vœux la reconduction du président Saïed à la magistrature suprême, garant selon lui de la protection des frontières européennes contre les flux migratoires :
Si elle fait valoir des liens décomplexés, surtout basés sur les intérêts européens chauvins et ponctuels, l’alliance sacrée des souverainismes de part et d’autre de la Méditerranée demeure néanmoins fragile. Elle implique ainsi que la partie tunisienne ferme les yeux notamment sur l’atlantisme débridé de l’actuel pouvoir italien, tout comme le traitement réservé, demain, aux migrants, aux OQTF et aux résidents maghrébins d’une droite radicale aux portes du pouvoir en France.
>> Lire aussi : Point de vue – Tunisie. Cette élection a-t-elle un sens politique ?