La démission du président de l’ISIE aggrave la crise politique
Le président de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE) Mohamed Tlili Mansri a annoncé aujourd’hui jeudi sa démission de la présidence de l’Instance. Avec deux démissions en 2017 et 2018 de ses deux présidents consécutifs, l’autorité tunisienne en charge des élections perd encore un peu plus de son capital crédibilité.
Laconique, dans un communiqué au style télégraphique, le président démissionnaire de l’ISIE a appelé l’Assemblée des représentants du peuple à entamer les procédures de comblement des vacances au sein de l’Instance, les deuxièmes en un peu plus d’un an. En mai 2017, son prédécesseur le juriste Chafiq Sarsar avait en effet lui aussi démissionné pour de vagues raisons officiellement liées à différend dans la gestion d’une institution qui jouissait pourtant jusque là d’une certaine aura d’exemplarité.
Lui aussi avocat et juriste de formation, Mansri, natif de Sidi Bouzid, avait été critiqué par ses détracteurs pour un certain « manque de charisme » ainsi qu’une communication quasi inexistante durant son mandat.
I-Watch révèle une affaire de conflit d’intérêt
Ce n’est sans doute pas une coïncidence que l’ONG de vigilance I-Watch, bureau tunisien de Transparency international, a choisi cette même journée du 5 juillet pour ébruiter ce qu’elle qualifie d’affaire de conflit d’intérêt au sein de l’Instance, même si l’affaire en question concerne un autre membre de l’ISIE, en l’occurrence Anis Jarbouîi. Deux autres membres avaient été épinglés par la même ONG pour suspicions d’affaire de corruption en 2017.
Mansri a cependant assuré que la décision de sa démission a été prise « après concertation avec les membres de l’Instance ». La dernière crise de l’ISIE couve depuis fin mai 2018, lorsque ses membres avaient réuni une assemblée exceptionnelle pour destituer leur président. Pour justifier ce flottement, Mansri, qui a rencontré à sa demande le président de la République Béji Caïd Essebsi hier mercredi, invoque un grand volume de travail ainsi que l’élaboration du rapport d’activité de l’Instance et son budget pour l’exercice 2019.
Parmi les activités du conseil de l’Instance, figurent également la mise en place d’un plan d’action pour les élections législatives et présidentielle 2019, une échéance électorale cruciale et néanmoins déjà déstabilisée par cette démission dont l’ISIE n’avait pas besoin.
En attendant la séance plénière marathonienne de l’Assemblée des représentants du peuple ne pourrait pas déboucher sur de solutions concrètes pour combler cette vacance en pleine crise politique estivale, Mansri a convenu avec les membres de l’Instance de poursuivre sa mission à la tête de l’ISIE s’agissant de la gestion des affaires courantes.
En attendant la désignation d’un ou plusieurs candidats parmi les membres du conseil de l’ISIE pour succéder à Mansri, le pays s’enfonce encore un peu plus dans une situation d’incertitude et de manque de visibilité. Au moment où de nombreux observateurs estiment que l’ère du consensus est terminée en Tunisie, la transition démocratique n’a jamais été aussi mal en point.
Seif Soudani