Tunisie. La délicate mission de Najla Bouden à Davos
Présentant pour particularité cette année de se tenir sans la présence de la Russie, les travaux de la 53ème réunion annuelle du Forum économique mondial ont été officiellement ouverts le 16 janvier 2023 à Davos, en Suisse.
Emissaire du président Kais Saïed, la cheffe du gouvernement tunisien Najla Bouden devra s’y acquitter de la délicate mission de concilier les utopies présidentielles de Carthage en matière économique, à la réalité brutale des rapports de force financiers dans le nouveau monde post-pandémie.
La délégation tunisienne conduite par la cheffe du gouvernement est arrivée dans la soirée du 16 janvier courant à Davos, pour prendre part au prestigieux conclave économique dont les travaux se poursuivent jusqu’au 20 janvier 2023. Mais avant cela, quelques heures avant son départ, c’est via la page officielle de la présidence de la République qu’une déclaration d’intention autour de cette participation au Forum économique mondial fut communiquée aux Tunisiens.
L’insolite défiance à l’égard des bailleurs de fonds
Convoqués au Palais, Bouden, accompagnée du gouverneur de la Banque centrale, Marouane Abassi, et de la ministre des Finances Sihem Nemsia, s’y sont vus inculquer les grandes lignes de leur mission :
« La situation financière et monétaire de la Tunisie ne peut être abordée sur la seule base de chiffres et de taux uniquement, mais en prenant en considération les conditions sociales en premier lieu », peut-on en effet lire dans un bref communiqué au ton péremptoire de la présidence.
Kais Saïed y revient par ailleurs sur sa conception de l’Etat : ce dernier « se doit de préserver notamment les droits des êtres humains dont le droit à l’enseignement public, un emploi préservant leur dignité, un logement, ainsi que tous les droits garantis par la constitution et les conventions internationales et régionales qui ne sauraient répondre aux logiques marchandes telles des actions en bourses d’entreprises commerciales ».
Le même texte à la teneur tiers-mondiste renchérit pour conclure : « les équilibres financiers auxquels aspirent tous les pays ne sont pas soumis aux seuls critères des revenus et des dépenses, mais tiennent compte également du principe de l’équité sociale, comme l’indique la constitution du 25 juillet 2022 ».
Cette tirade qui obéit à un raisonnement circulaire (le président Saïed se base sur la Constitution qu’il a lui-même rédigée pour en tirer le bienfondé des enseignements qu’il prodigue aux puissances occidentales), vaut à Kais Saïed quelques railleries de la presse nationale qui n’a pas manqué de noter qu’il « donne des leçons aux participants du Forum de Davos sur la base de sa propre vision subjective du monde aux relents romantico-révolutionnaires ».
Bouden en funambule à Davos
En difficulté depuis que le FMI a récemment déprogrammé une réunion consacrée au déblocage d’un prêt à la faveur de la Tunisie, précisément l’un des principaux objectifs de son mandat, Najla Bouden devra donc à la fois expliquer le credo présidentiel aux partenaires économiques de la Tunisie, sans pour autant les froisser davantage.
Dans son programme, il est prévu que la cheffe du gouvernement participe à des panels consacrés entre autres à la menace de récession économique mondiale, de la crise énergétique, du changement climatique ou encore des répercussions de la guerre en Ukraine.
La délégation tunisienne compte aussi communiquer autour du plan de développement de la Tunisie 2023 – 2025, ainsi que « Vision Tunisie 2035 ». Une gageure selon certains observateurs pour qui Najla Bouden n’est pas certaine de conserver son poste au-delà du second tour des élections législatives qui se tiendront le 29 janvier prochain.