La bicyclette bientôt reine à Tunis ?
La « vélorution » serait-elle en route pour Tunis ? C’est en tout cas le vœu de plusieurs partisans de la petite reine, qui souhaitent promouvoir ce mode de transport dans une ville congestionnée par la circulation automobile et aux transports en commun peu efficaces.
En selle !
Ils sont une vingtaine à être venus au rendez-vous alors que la nuit est tombée sur Tunis ce jeudi soir. Une poignée de cyclistes réunis pour montrer l’exemple – mais sans casque – et initier la vélorution dans la capitale tunisienne. Il faut dire que la ville n’est pas accueillante pour les amateurs de vélo. Il n’y a aucune piste cyclable dans le centre de Tunis et juste une répertoriée aux Berges du Lac, le quartier d’affaires de la périphérie. « C’est ridiculement peu » pour une ville de cette taille, regrette Stéphanie Pouessel, anthropologue installée en Tunisie, qui ne cache pas sa frustration. L’état de la chaussée des rues et le manque de civisme de certains usagers de la route sont autant de freins à la pratique régulière du vélo de celle qui a été élevée dans une famille de cyclistes et qui a toujours pédalé quand elle vivait à Paris.
C’est peut-être par l’exemple que viendra le changement, veut croire Stéphanie, co-organisatrice d'une sortie à vélo à Tunis de ce jeudi, une première. Walid Ben Omrane, 38 ans, veut le croire aussi en relançant le mouvement Vélorution, tombé en sommeil depuis quelques année. Depuis un an, ce Tunisois habitant l’hypercentre de la ville ne se déplace qu’en vélo. « Je mets 20 minutes pour aller au travail contre parfois 45 minutes en voiture », explique-t-il.
Bon pour le corps et le porte-monnaie
Étude à l’appui, il ajoute qu’« une voie de circulation réservée aux 2 roues sur une route express peut transporter jusqu’à sept fois plus de personnes qu’en voiture ». Autre chiffre, celui de la pollution, sur laquelle la ville de Tunis ne communique pas du tout. Les chiffres de l’OMS ont pourtant de quoi alarmer les Tunisois et les Tunisiens en général.
Les derniers relevés dont dispose l’agence onusienne remontent à 2010 et montrent une pollution inquiétante aux particules fines, responsables des maladies graves et de certains cancers. La concentration des particules de 10 µm de diamètre (PM10) est ainsi plus de trois plus forte à Tunis qu’à Paris ou Rome, villes bien plus peuplées. Bizerte et Sfax ne sont guère mieux lotis. En cause : un parc automobile ancien et mal entretenu, une qualité moindre des carburants et des embouteillages fréquents en centre-ville.
Nécessaire changement de mentalité
« Les Tunisiens doivent réaliser que le vélo est à la fois écologique, efficace, économique et bon pour la santé et le moral », espère Walid. « Le climat tunisien s’y prête toute l’année », ajoute-t-il. Sur le modèle des balades en rollers qui avaient lancé la mode à Paris au milieu des années 90, Stéphanie espère que l’organisation de sorties régulières en vélo dans Tunis pourra encourager sa pratique.
Outre le poids des habitudes, il faudra néanmoins se battre contre la perception du vélo, aujourd’hui vu comme le moyen de transport du pauvre, alors que la voiture reste le symbole de l’ascension sociale. « Au feu rouge, les mendiants qui vont de voiture en voiture m’évitent, tandis que les automobilistes ont des regards moqueurs », s’amuse le Tunisois. « Les mentalités mettent du temps à changer, mais ça viendra par la force des choses, compte tenu de la crise économique et écologique que nous vivons ». Il espère également que, comme dans d’autres domaines, les Tunisiens prendront une fois de plus exemple sur les Européens, de plus en plus nombreux à faire du vélo en Tunisie.
L’idée des deux organisateurs de cette première sortie est de se faire connaitre en vue de créer prochainement une association de promotion du vélo. « Nous devrons peser dans le débat en vue des prochaines élections locales (prévues fin 2017, NDLR) pour obtenir plus de pistes cyclables ». En attendant, ils se réjouissent de l’organisation de la première journée sans voiture à Tunis le 21 mai.
Rached Cherif