L’expansion de Tunisair en Afrique inquiète l’agence Frontex
La dernière mouture du rapport de l’Africa-Frontex Intelligence Community pointe comme un « risque migratoire » le développement des activités de la compagnie aérienne Tunisair en Afrique, de l’Ouest notamment, ainsi que le rapprochement de la Tunisie avec ses partenaires du continent africain. Une évolution qui pourrait accentuer la pression européenne en matière de régulation des déplacements des personnes sur les autorités tunisiennes et les compagnies aériennes.
« Tunisair a développé son réseau vers l’Afrique à un rythme soutenu ces derniers temps. Les vols vers la Côte d’Ivoire, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Burkina Faso font partie de son offre actuelle. Certaines de ces nationalités, ainsi que celles des nouvelles destinations annoncées par la compagnie, sont largement représentées parmi les migrants détectés en Méditerranée centrale », indique le rapport de l’Africa-Frontex Intelligence Community 2017, rendu public mi-novembre.
L’amélioration des connexions entre l’Afrique de l’Ouest et la Tunisie est ainsi directement liée à la question des migrants irréguliers tentant de rejoindre l’Europe dans cette publication de l’agence européenne de surveillance des frontières Frontex. Ce document mentionne également l’intention de la Tunisie de rejoindre la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), notamment l’une de ses conséquences directes, à savoir la liberté de circulation des citoyens de la CEDEAO entre les États membres. Une sorte de Schengen africain auquel le Maroc est également en cours d’adhésion.
Pour Frontex, la menace est claire : « au vu de cet éventuel nouvel axe de circulation légal, il y a un risque que les passeurs tunisiens et/ou marocains adaptent leur offre dans un futur proche et développent leurs services pour traiter un plus grand nombre de migrants souhaitant se rendre en Union européenne ». Il n’est pas anodin que l’ensemble des occurrences du mot « Tunisie » figurent dans un seul chapitre du rapport : « Voies de circulation légales et faux documents ».
Intensification des contrôles
Le rapprochement de pays du Maghreb avec le reste de l’Afrique risque d’avoir des conséquences sur ces pays et leurs transporteurs. « La conséquence directe en sera probablement que les contrôles effectués par Tunisair seront plus stricts en ce qui concerne la documentation des passagers, comme ce fut le cas pour Turkish Airlines, identifiée de la même manière les années précédentes », explique une observatrice des politiques européennes souhaitant garder l’anonymat. En effet, les compagnies aériennes qui transportent des passagers n’ayant pas les documents nécessaires à leur entrée dans le pays de destination s’exposent à de lourdes sanctions.
Au-delà des contrôles accrus au départ et à l’arrivée des vols entre la Tunisie et l’Union européenne, les conclusions du rapport pourraient provoquer un accroissement de la pression européenne sur les autorités tunisiennes pour qu’elles signent un accord de réadmission. Les négociations sur le projet d’accord patinent depuis leur lancement en 2016, notamment en raison des résistances de la partie tunisienne, soutenue par de nombreux acteurs de la société civile des deux rives.
Rached Cherif