L’assassinat de l’ingénieur tunisien du Hamas élucidé

 L’assassinat de l’ingénieur tunisien du Hamas élucidé

Tunisie – Le directeur de l’Unité nationale des investigations des crimes terroristes Nizar Gmati livre


Le directeur de l’Unité nationale des investigations des crimes terroristes Nizar Gmati a livré le 11 décembre des éléments inédits sur les circonstances de l’assassinat de l’ingénieur en aviation Mohamed Zouari. Un crime perpétré à Tunis fin 2016 et qui était resté non élucidé depuis.



Près d'une heure de conférence de presse au cours de laquelle les intervenants semblaient soucieux de faire valoir l'étendue du travail accompli par les autorités tunisiennes qui avaient visiblement à coeur de laver l'affront de la fuite des deux suspects. Mohamed Zouari a été assassiné le 15 septembre 2016 par balles dans sa voiture devant son domicile à Sfax. Il avait 49 ans. Le Hamas lui avait symboliquement organisé des funérailles spectaculaires.


 


La même source affirme que les auteurs présumés de ce crime qualifié de « terroriste » sont de nationalité bosniaque. Il s’agirait de Elvir Sarac et Alem Camdzic, entrés en Tunisie dès le 8 décembre 2016 via le port de la Goulette. Selon certains analystes, la nationalité bosniaque est en l’occurrence destinée à brouiller les pistes sur une implication supposée des services du Mossad israélien.


Des mandats d’amener ont été émis par la justice tunisienne à l’encontre d’au moins deux accusés, mais les autorités bosniaques refusent de les extrader.


 


« Des armes provenant de l’étranger »


Le tandem se serait ensuite rendu dans la ville côtière de Monastir où ils ont résidé à l’hôtel Cap Marina. Les deux suspects ont été contactés par un guide touristique qui aurait assuré la liaison d’armes avec un dénommé Abdelkader Oueslati. Ce dernier a été chargé de leur faciliter la visite de plusieurs usines pour détourner l’attention des vraies raisons de leur présence en Tunisie.


Les deux individus se sont dirigés le 10 décembre à Douz où ils se sont arrêtés à Chenini puis à Matmata pour une visite touristique, probablement un alibi. Le 11 décembre, ils se sont rendus dans la ville de Tataouine. L’enquête aurait révélé que durant ce séjour en Tunisie, de nombreuses communications provenant de numéros étrangers ont été interceptées. 


Préalablement au passage à l’acte, Sarac et Camdzic sont soupçonnés d’avoir exploré des pistes pouvant les conduire à Mohamed Zouari. Ils l’auraient ensuite pris en filature à bord de deux véhicules Renault Trafic et Mitsubishi après que le téléphone portable de Mohamed Zouari ait été piraté pour pouvoir surveiller ses déplacements à distance.


Le jour de l’assassinat, les deux individus se sont d’abord rendus dans la ville de Agareb (Sfax), un autre alibi selon les autorités tunisiennes, « afin de se procurer des quantités d’huile d’olive bio ».


Gmati qui affirme qu’ils ont quitté la Tunisie immédiatement après l’exécution de l’opération, laissant derrière eux plusieurs téléphones portables et des contrats de location falsifiés de voitures aux noms de personnes n’ayant aucun lien avec le crime.Toujours selon Gmati, l’opération aurait été planifiée dans plusieurs capitales européennes dont Rome et Budapest.


 


Une enquête d’une ampleur gigantesque


Echaudé par l’humiliation que constitue cet acte commis en toute impunité, le gouvernement tunisien a mobilisé des unités spécialisées du ministère de l’Intérieur afin d’effectuer une opération de ratissage sur pas moins de 4620 km, qui a nécessité la participation de 10 équipes de travail de collecte de données. Dans les premiers jours qui ont suivi l’assassinat, quelques 131 mille passagers ont par ailleurs été soumis à une fouille méthodique. 


D’après Nizar Gmati, l’idée de l’assassinat avait pris forme dès le 28 juin 2016 à travers le recrutement, à leur insu, de personnes pour collaboration, à l’instar de la journaliste tunisienne Maha Ben Hamouda qui avait loué les voitures. Ces « complices » ont été approchés en tant que collaborateurs à travers les réseaux sociaux comme Facebook et LinkedIn, a-t-il précisé, ajoutant que la police a enquêté sur 203 personnes proches de la logistique du crime.


Il a en outre affirmé qu’Interpol, la Banque centrale de Tunisie, la présidence du gouvernement ainsi que le ministère des Affaires étrangères ont tous été tous mobilisés pour la révélation des éléments de l’opération qui aurait couté à ses commanditaires au minimum 170 mille dinars tunisiens (environ 50 mille euros), du moins s’agissant de ce qui a été dépensé sur le territoire tunisien.


De son côté le porte-parole du Pôle judiciaire de lutte contre le terrorisme Sofien Selliti a indiqué que des mandats d’amener ont été émis à l’encontre des auteurs du crimee, vain, les autorités bosniaques refusant à ce jour de les remettre à la justice tunisienne. D’où la conférence de presse destinée entre autres à convaincre leurs homologues bosniaques.


Sliti précise que le suspect principal, Elvir Sarac, est âgé de 42 ans, et qui a été aidé par l’expérimenté Alem Camdzic (48 ans). Des commissions rogatoires ont été adressées à la Bosnie, la Suède, la Belgique, la Turquie, Cuba, le Liban et l’Egypte, a-t-il dit, soulignant que tant que les auteurs du crime n’ont pas été interrogés, il n’est pas possible de prouver l’implication des services du renseignement israéliens dans cette affaire, quand bien même ils sont ceux à qui profite le crime.


Le représentant de la police judiciaire a pour sa part fait observer que le retard pris dans la révélation de ces éléments serait « voulu et stratégique », dans le but de ne pas dévoiler trop tôt l’identité des auteurs présumés. Selon lui, il était question que ces deux individus reviennent en Tunisie, mais « le traitement médiatique précoce de l’affaire par certains médias privés a perturbé le déroulé de l’affaire ».


 


 


Lire aussi : Tunisie. Le sombre assassinat d’un cadre du Hamas secoue l’opinion