Kasserine : quand la Tunisie profonde se rappelle au bon souvenir de Carthage
Le très lourd bilan de l’accident survenu hier mercredi dans la région de Khmouda du gouvernorat de Kasserine s’élève à 16 morts et 60 blessés dont 17 transférés dans divers centres de traumatologie et des grands brûlés au nord du pays. Le hasard du calendrier a voulu qu’au même moment où se produisait cette tragédie, le premier conseil des ministres du gouvernement Chahed, présidé par Béji Caïd Esebsi, se tenait en grande pompe à Carthage. Le contraste est saisissant entre deux Tunisies.
Pour ce conseil des ministres inaugural, il fallait être attentif aux signaux et messages que la communication du Palais était visiblement désireuse de transmettre. Et en matière d’ostentation, nous avons été servis, à tel point que les réseaux sociaux tunisiens ont comparé l’arrivée du président de la (2ème) République à celle d’un véritable monarque.
Dispositif inédit où tous les ministres et secrétaires d’Etat, quasiment au garde-à-vous, font face à Béji Caïd Essebsi dont la mise en scène de l’arrivée dans la grande salle des réunions est digne de celles pratiquées au Kremlin. Un présidentialisme conforté à l’issue de la réunion, lorsqu’au moment de donner une déclaration à propos des évènements de Kasserine, Essebsi prend la parole affublé de Youssef Chahed complètement muet, au second plan de l’image.
Le président dira un mot en ouverture du conseil à propos de l’accident de Kasserine, avant d’y revenir pour assurer que le chef de gouvernement a ordonné l’ouverture d’une enquête sur les circonstances de l’accident. Mais en somme, le mandat Chahed ne commence pas de la meilleure des façons, entaché par le legs d’une région économiquement sinistrée. L’incident vient en effet rappeler dans les esprits des Tunisiens l’ampleur des disparités économiques régionales, au moment où un gouvernent majoritairement libéral, voire de « golden boys », prend les commandes.
« Mon avion m’attend », la bourde de la ministre de la Santé
Probablement soucieux de répondre aux critiques reprochant aux représentants du pouvoir de ne pas avoir fait le déplacement, Youssef Chahed a fait le déplacement 24 heures plus tard pour une visite d’inspection à l’hôpital régional de Kasserine.
C’est là que sa ministre de la Santé, Samira Meraï (du parti Afek Tounes), confronté à la colère des familles de victimes, commet ce que l’on peut considérer comme au minimum une erreur de communication. Un vif échange a opposé la ministre, médecin pneumologue de formation, à une députée représentant la région. Expéditive, Meraï a affirmé être pressée et que l’hélicoptère qui l’attendait pour repartir vers la capitale « ne peut pas attendre », ajoutant agacée que c’était à l’élue de venir la voir au ministère…
Une phrase qui a rappelé à certains le fameux « Qu’ils mangent de la brioche ! », attribuée à tort à Marie-Antoinette.
Pour pallier cette cacophonie entre deux mondes, c’est l’exemplaire solidarité de certains citoyens de la région de Sousse qui apporte au final une note d’espoir : beaucoup n’ont pas hésité à offrir via les réseaux sociaux leur hospitalité, proposant d’héberger les familles démunies de Kasserine venues s’enquérir du sort de leurs proches.
S.S