Kais Saïed réaffirme son opposition à l’égalité dans l’héritage

 Kais Saïed réaffirme son opposition à l’égalité dans l’héritage

Dans un entretien publié mardi soir 24 septembre, le candidat vainqueur du premier tour de l’élection présidentielle, Kais Saïed, a réitéré un certain nombre de ses positions à propos de questions sociétales qui font débat en Tunisie.

 

C’est l’une des rares interviews que l’énigmatique favori de la présidentielle accorde à un média national. Interrogé par Nawaat en fin d’entretien coup sur coup sur ses positions concernant l’égalité homme – femme dans l’héritage et les articles 52 et 230 du code pénal tunisien, relatifs respectivement au cannabis et à l’homosexualité, Kais Saïed a répondu non sans détour, mais sans équivoque.

Prenant en considération le statut de juriste constitutionnaliste de l’intéressé, l’intervieweur a consacré la partie finale de l’entretien à la problématique du retard pris dans l’harmonisation du code pénal avec la Constitution de 2014 où figure notamment en bonne place la notion de « liberté de conscience ».

« Prenons la question de l’égalité dans l’héritage comme indicateur […]. Vous dites que ce n’est pas un sujet prioritaire à vos yeux, qu’il ne s’agit pas d’une demande populaire. D’abord nous ne savons pas si le peuple souhaite ou non cela. L’égalité n’est-elle pas indivisible ? Le rôle des leaders n’est-il pas, en vertu d’une certaine sagesse de gouvernance, d’imposer un certain nombre de questions progressistes sur la table ? », demande Thameur Mekki.

« La loi peut en en effet en théorie servir de raccourci » rétorque Saïed, suite à quoi il évoque une anecdote sur Bourguiba à propos de la dialectique « gouverner son peuple » par opposition à « être gouverné par son peuple », visiblement pour signifier à son interlocuteur que l’ère du paternalisme et de la verticalité est révolue.

Sommé de répondre plus précisément à la question, Saïed développe : « Nous pouvons être égaux tout en étant victime d’une iniquité […]. La finalité de l’islam et de la charia islamique n’est pas l’égalité formelle mais la justice. Vous êtes tenus légalement de pourvoir aux besoins de votre famille, mais il n’en est pas de même pour votre épouse qui doit seulement participer aux dépenses du ménage […]. Oui, je m’appuie sur un référentiel islamique pour cette question. Pourquoi en aurais-je honte ? Je suis arabe et musulman, je suis fier de mon identité. Ma conviction est la même depuis toujours, elle ne date ces élections ».

L’intervieweur insiste : « Il y a là une contradiction entre votre prétendue adhésion à l’universalité des droits de l’Homme, et votre référentiel islamique. Est-ce universaliste que d’inspecter le derrière des citoyens (allusion aux pratiques policières de vérification d’actes homosexuels, ndlr) ou de mettre en prison un jeune pour un joint de cannabis ? »

« Vous devriez aller voir la misère de certains de nos quartiers où les jeunes croupissent, réduits à l’état de débris humain » surenchérit alors Kais Saïed, affirmant sur le ton de la fermeté qu’il refuse de laisser ces jeunes à leur sort : « Dois-je les abandonner à cette auto destruction, ou est-il de mon devoir de tenter de les en sortir ? ».

Dans les cafés populaires aussi bien que les milieux universitaires, la figure de Kais Saïed continue d’intriguer, entre ceux qui le classent dans un anarchisme de droite, et ceux qui le labélisent à gauche. Sur le plan sociétal néanmoins, les contours d’un certain « conservatisme nouveau » ne font plus aucun doute.