Tunisie. Kais Saïed prête serment devant le Parlement
Réélu dès le premier tour de l’élection présidentielle du 6 octobre 2024 où il fut plébiscité à 90,7% des voix, Kaïs Saïed a prêté serment aujourd’hui lundi au Palais du Bardo. Une cérémonie qui s’est tenue devant les deux chambres : l’Assemblée des représentants du peuple et le nouveau Conseil national des régions et des districts (CNRD). La séance plénière extraordinaire commune fut également l’occasion d’un discours de politique générale où Saïed s’est davantage attardé sur les déclarations d’intention que sur son bilan des cinq dernières années.
La séance s’est déroulée en présence des présidents des deux chambres parlementaires, le chef du gouvernement, le Mufti de la République, l’Archevêque de l’église catholique de Tunis et le Grand Rabbin de Tunis, en plus des membres du gouvernement, des députés et des membres du CNRD.
En vertu de l’article 92 de la Constitution de 2022, le Président de la République élu prête le serment suivant devant les deux chambres parlementaires :
« Je jure par Dieu Tout-Puissant de préserver l’indépendance de la patrie et son intégrité, de respecter la Constitution et la législation de l’État, et de veiller scrupuleusement sur les intérêts de la patrie. »
Un manifeste enflammé en vue de son second mandat
Le président Saïed a déclaré dans son discours de prestation de serment aux allures de manifeste de IIème République que le peuple tunisien « a dit son mot en toute liberté le 6 octobre », tout en annonçant la nécessité d’« entamer une révolution législative qui concrétise ses espoirs ». L’opposition dont une majeure partie a boycotté le scrutin ou en fut écartée par voie judiciaire a aussitôt dénoncé « la perpétuation d’une politique des vibrants slogans ».
Dans son allocution, Saïed a malgré tout esquissé une ébauche de programme économique aux accents résolument souverainistes : « les plus grands défis sur lesquels nous travaillerons sans relâche sont d’ouvrir une nouvelle voie aux sans-emplois et plus particulièrement aux jeunes […]. Il faut bâtir une économie nationale basée sur la création des richesses, à la lumière de choix économiques nationaux issus de la volonté du peuple. Il sera ainsi possible de réaliser ce qui était considéré comme un rêve ou relevant de l’impossible », a-t-il entonné.
Sur un ton plus vindicatif, Saïed a ensuite évoqué ce qu’il a qualifiées de « tentatives dissimulées ou apparentes visant à avorter la Révolution » de 2011 dans le but de sauvegarder l’ancien régime avec des changements artificiels : « L’objectif était de laisser notre pays gouverné par ceux qui veulent rester dans les coulisses afin de spolier le peuple à nouveau et contrôler ses ressources », a-t-il renchéri.
Un complotisme décomplexé
Dans un registre conspirationniste affiché, Kais Saïed a estimé que « l’ultime pacte criminel a consisté à entraîner la Tunisie dans un cercle de luttes fratricides et de diviser le pays », ajoutant que « les élus du peuple ont déjoué des plans élaborés par des agents du sionisme mondial et des membres de la franc-maçonnerie ». « Il n’y a pas de place pour les traîtres, les collaborateurs et ceux qui se jettent dans les bras des cercles colonialistes », a-t-il encore souligné dans le jargon désormais habituel de la présidence ancré dans le champ lexical de la traîtrise et du bellicisme.
Mais si l’ensemble du discours fut prononcé sur un ton acrimonieux, le président de la République a tout de même tempéré en laissant la place à un semblant de possibilité de dialogue national : « la porte vers la réconciliation pourrait être ouverte à nouveau », a-t-il concédé notamment à l’adresse du monde des affaires. « Ceux qui veulent restituer l’argent du peuple seront les bienvenus. Il n’y a aucune raison pour eux de rester en prison ou en état de fuite », a-t-il assuré.
Considérant que le peuple tunisien a récupéré sa révolution, Saïed a conclu que c’est désormais à l’Etat de retrouver son rôle social providentiel. A cet égard, il a fait noter que les établissements et les institutions de l’Etat seront préservés « une fois assainies » de la corruption qui les gangrène.
Le chef de l’Etat a enfin réaffirmé la position indéfectible de la Tunisie aux côtés du Liban et de tous les peuples opprimés, dont en premier lieu le peuple palestinien jusqu’au recouvrement de son droit à un Etat indépendant « sur l’ensemble du territoire de la Palestine avec Jérusalem pour capitale ».