Tunisie. Justice : reprise du procès dans l’affaire de « l’appareil secret » d’Ennahdha
C’est le dossier aussi opaque que sulfureux de cette saison estivale judiciaire, celui dit de l’appareil secret d’Ennahdha, qui a été rouvert le 8 août 2024 par la Cour d’appel de Tunis, impliquant des dizaines d’accusés.
La chambre d’accusation spécialisée dans les affaires de terrorisme auprès de la Cour d’appel de Tunis a en effet décidé hier jeudi de déférer devant la justice sept accusés dans le cadre de l’affaire de « l’appareil secret du parti islamiste Ennahdha », a fait savoir Habib Torkhani, porte-parole de la juridiction spécialisée.
Dans une déclaration aux médias nationaux, Torkhani a expliqué que les personnes inculpées dont notamment l’ex leader du parti Rached Ghannouchi, l’ancien ministre de l’Intérieur Ali Laârayedh, l’influent Fethi El Beldi, mais aussi Kamel Bédoui, Atef Omrani, tous déjà en état d’arrestation, ainsi que Mustapha Khedher et Kamel Aïfi, considéré comme étant en fuite, vont comparaître devant le tribunal dans des affaires à caractère terroriste liées à cet épineux dossier encore entouré de mystère à ce jour.
Des ramifications historiques complexes
Couvrant plusieurs décennies incluant l’avant et l’après révolution de 2011, l’affaire avait dans un premier temps été transmise à la Cour d’appel de Tunis à la date du 16 juillet 2024, suite à la clôture de l’enquête par le juge d’instruction près le pôle judiciaire de lutte antiterroriste.
Mais ce volet du dossier concerne pas moins de trente-cinq accusés dont cinq individus arrêtés, sept autres accusés déjà interpellés dans le cadre d’autres affaires en cours, douze en état liberté et enfin onze personnes « en cavale » selon la même source. Plus surprenant, sont cités également l’ancien chef du gouvernement Youssef Chahed, Nadia Akacha, ex-cheffe du cabinet présidentiel, l’ancien directeur général de la sûreté nationale Kamel Guizani et l’ancien dirigeant d’Ennahdha Lotfi Zitoun.
Dès septembre 2023, le ministère public près le Tribunal de première instance de l’Ariana s’était ainsi pour rappel dessaisi du dossier de l’affaire en question au profit du pôle judiciaire de lutte antiterroriste. Ledit appareil secret étant selon l’accusation un organisme paramilitaire aux activités présumées assimilables à des tentatives de déstabilisation « de nature terroriste » du pays.
Initialement, la procédure a été ouverte au début de l’année 2022 à la suite d’une double plainte déposée par le Parquet et le comité de défense des martyrs victimes d’assassinats politiques de Chokri Belaïd et du député Mohamed Brahmi, tués respectivement en février 2013 et en juillet de la même année. Or, pour la défense, le collectif de avocats de ces deux leaders de l’extrême gauche tunisienne avait « instrumentalisé à des fins politiques une affaire loin d’être confortée par des faits tangibles ». La défense conteste par ailleurs le timing de la procédure en déféré à quelques encablures désormais de l’élection présidentielle du 6 octobre prochain.
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